LA GRANDE INTOX DES PRONUCLÉAIRES CONTINUE 17.11.11

, par  Marie-Odile NOVELLI , popularité : 0%

Nucléaire : le débat entre PS/ écologistes suscite des réactions un peu pitoyables. Après Henri Proglio d’ EDF, l’UMP s’est empressé de nous repasser les plats les plus éculés et les chiffres les plus faux. L’UMP fait semblant d’ignorer que l’on peut réduire les consommations énergétiques, améliorer l’efficacité energétique, produire des energies renouvelables non aléatoires (biogaz).


LA GRANDE INTOX DES PRONUCLÉAIRES CONTINUE.
Pris en flagrant délit de mensonge ( sans grosse mise en question des média) , après Henri Proglio d’ EDF, l’UMP s’est empressé de nous repasser les plats les plus éculés et les chiffres les plus faux.

Commençons par le début. La proposition du parti écologiste EELV : "Engager la reconversion" de la "filière du Mox", "à emplois constants" acceptée par le PS mardi après midi, mais supprimée le soir lors du vote du bureau (sur demande notamment d’ AREVA) - devient en substance : ils veulent tout supprimer tout de suite y compris les emplois.
Un gros mensonge, c’est toujours plus simple que travailler sérieusement et en anticipation à des solutions d’avenir !
Mais il est vrai que la reconversion exige un effort intellectuel prolongé, un peu d’imagination, et que cela n’a jamais été le fort des décideurs en France, si l’on considère les catastrophes industrielles précédentes sur notre territoire telles que la sidérurgie ou le textile.

Deux mots sur la dangerosité d’abord, sur les lobbying ensuite, enfin sur les contrevérités en matière de coût et d’emplois.
Puis pour ceux que cela interesse, la saga EELV/PS vue par deux journalistes du MondeSamuel Laurent avec Anne-Sophie Mercier.(*v).

1. En France le MOX, connu des seuls écologistes parmi le grand public, a fait parler de lui lors de la catastrophe de Fukushima en raison de ses dangers particuliers.

Ouest France titrait alors :

Japon 13 Mars- Ouest France

Les dangers du MOX, matériau cancérigène pour combustion nucléaire

Extraits choisis :

"Le réacteur N° 3, en proie à une forte surchauffe, fonctionne au MOX, un combustible « extrêmement dangereux qui entre plus facilement en fusion que les combustibles classiques », indique RSN dimanche".

"Composé d’uranium et de plutonium, issu de déchets nucléaires recyclés, le MOX est « bien plus réactif que les combustibles standard », souligne Jean-Marie Brom, ingénieur atomique, directeur de recherches au CNRS. « Le plutonium, qui n’existe pas à l’état naturel, est un poison chimique violent. Le mieux aurait été de ne pas en mettre du tout », explique-t-il. "

"Selon RSN, sa « toxicité est redoutable : il suffit d’en inhaler une particule pour développer un cancer du poumon ».
[
"Le Japon a commencé récemment à utiliser du MOX pour faire fonctionner ses centrales et avait prévu depuis 2008, d’étendre progressivement son usage en 2011-2012. Un contrat de fourniture de MOX a d’ailleurs été passé avec l’opérateur nucléaire français AREVA."
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CQFD !

La vérité, c’est que si le Japon fait défaut, AREVA va devoir se reconvertir. Pas question de perdre le marché français. Les cobayes français doivent assurer. Se convertir ? Vous voulez rire !

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II. LOBBYING, COUTS DU NUCLÉAIRE ET EMPLOIS

1.Lobbying d’abord : il est assez transparent comme le montre l’aventure survenue au journal La Tribune.
Lundi, le quotidien économique La Tribune publie un article pour raconter comment EDF envisage l’abandon du réacteur nucléaire EPR de Flamanville. Une information reprise par tous ses confrères – démentie depuis par l’entreprise dirigée par Henri Proglio, dans un communiqué – qui n’est pas au goût du fournisseur d’électricité.
La sanction ne s’est pas fait attendre. EDF ne diffusera plus ses publicités dans le quotidien jusqu’à la fin de l’année, soit un manque à gagner pour La Tribune, déjà en fortes difficultés économiques, d’environ 80 000 euros.

2. Emplois ensuite .
L’argumentaire ne peux être résumé en deux mots.
Cependant, pour avoir une idée du débat :
en Allemagne les renouvelables créent 6 fois plus d’emplois que le nucléaire français par unité d’énergie produite. Bizarre, non ?
D’après une étude du cabinet PriceWaterhouse (voir infra2)réalisé pour AREVA, voici la structure de l’emploi relative au nucléaire en France :
en France, 239 000 personnes sont employées directement et indirectement dans la filière nucléaire
(qui représente 75% de la production d’électricité) ;
en Allemagne, les énergies renouvelables électriques représentent déjà aujourd’hui 370.000 emplois
directs et indirects (pour une part de 20% de la production d’électricité).(1) voir le tableau infra.

3. Sur le « coût » des scénarios électriques et les émissions de gaz à effet de serre (voir la dernière note), les 3 mensonges majeurs :

La commission énergie de EELV a fait parvenir à la presse un argumentaire étayé de 13 pages. Peu s’en sont fait l’écho. Trop technique ? Dommage en tout cas pour la démocratie et pour les Français ]car ils auraient pu savoir
- que "toutes les études prospectives, y compris celles pilotées par le lobby nucléaire, montrent qu’il faudra investir à peu près autant pour le maintien que pour la sortie du nucléaire." Et encore, la rénovation est elle plus que délicate car il faut un milliard par centrale selon " les leçons de FuKushima", et sans compter le traitement des déchets dans les dizaines ou milliers d’années à venir ni le démantèlement.
lire aussi B. Dessus [Mediapart

Ils auraient pu y lire aussi que pour agir sur la facture, il est nécessaire de réaliser des économies d’énergie, ce que les électriciens d’EDF n’envisagent pas sérieusement. Or, les économies d’électricité ont la particularité d’être très rentables. Une preuve en est qu’en Allemagne, un ménage consomme 25% de moins d’électricité qu’un ménage français (hors chauffage afin que la comparaison soit honnête) pour un même confort.
. Enfin, ils se seraient rappelé que le secteur de l’électricité est sous contrainte des « permis d’émission » européens (quotas carbone), comme une grande partie du secteur industriel et que les quotas fonctionnent selon le système des vases communicants : laisser entendre que leur nombre va exploser relève de la mauvaise foi ou du mensonge.

4. Enfin, il faut travailler la question de la sortie du nucléaire

en s’appuyant sur des travaux d’experts tels que negaWatt par exemple. http://www.negawatt.org/ .
L’UMP (comme d’autres) fait semblant d’ignorer que l’on peut réduire les consommations énergétiques, améliorer l’efficacité energétique, produire des energies renouvelables non aléatoires (biogaz des dechets agricoles ou ménagers).

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Argumentation plus détaillée : Couts des scénarios électriques, synthèse de la commission énergie EELV :


"M. Proglio affirme qu’ « En France, cela [la sortie du nucléaire, ndlr] impliquerait aussi un investissement de 400 milliards d’euros pour remplacer le parc existant par des moyens de production alternatifs, ce qui se traduirait par un doublement de la facture d’électricité. »

En préalable, il convient de souligner qu’il faut distinguer « investissements » et « prix de l’électricité », souvent confondus sous le terme de « coût ».

Investissements

Le chiffre de 400 milliards d’euros avancé par M. Proglio repose très certainement sur l’étude de l’Union Française de l’Electricité (association des producteurs d’électricité), sortie lundi 7 novembre
.

Là encore, M. Proglio tient un raisonnement d’une malhonnêteté intellectuelle incroyable.

En effet, M. Proglio oublie de dire que, selon la même étude, le scénario d’un maintien dans le nucléaire implique un investissement de 300 Mds€ d’ici 2030.

Donc, sur la base d’une étude pourtant réalisée pour le compte du lobby nucléaire, la différence entre rester et sortir ne s’élève qu’à 100 Mds€, soit un surcoût de seulement 33% par rapport au scénario d’un maintien dans le nucléaire ou encore quatre fois moins que ce que soutient M. Proglio, qui confond à dessein investissements et surcoûts.

Surtout, cette étude de l’UFE est très contestable, notamment du fait que les hypothèses retenues quant à l’efficacité énergétique sont d’un extrême pessimisme (ce qui n’est pas étonnant s’agissant d’une étude commandée par les électriciens, dont EDF et GDF-Suez, toutes deux largement impliquées dans le nucléaire
). De plus, en reportant la question du remplacement des réacteurs actuels par de nouvelles centrales (supposées plus sûres mais surtout plus chères) à une date ultérieure, l’analyse fausse quelque peu le chiffrage, puisque les coûts augmenteront de ce fait considérablement après 2030 dans le scénario de maintien massif du nucléaire pour financer ces nouvelles constructions.

Une étude sur le même sujet, réalisée par Benjamin Dessus
, arrive à la conclusion que la sortie du nucléaire impliquerait des investissements de 10 à 15% inférieurs au maintien du nucléaire (soit 50 à 100 Mds€), pour un total investi du même ordre de grandeur que dans l’étude de l’UFE (autours de 500 Mds€ en 2030).

En conclusion, toutes les études prospectives – y compris celles pilotées par le lobby nucléaire – montrent qu’il faudra investir à peu près autant pour le maintien que pour la sortie du nucléaire. Selon les études, la différence entre les deux cas de figure varie peu dans un sens ou dans l’autre (+ ou - 25%). En revanche, l’incertitude liée au coût du nucléaire est bien plus importante que l’incertitude liée aux EnR, sans évoquer le risque d’un accident majeur et les dégâts humains, matériels et environnementaux associés.

Facture pour les ménages

De même, sur le coût de l’électricité pour les ménages, M. Proglio confond à dessein prix de vente et facture.

M. Proglio affirme que sortir du nucléaire « se traduirait par un doublement de la facture d’électricité ». Cette analyse repose probablement toujours sur l’étude de l’UFE citée précédemment.

Il fait une comparaison relative en 2030 : selon lui, par rapport à aujourd’hui, l’augmentation serait de 33% en cas de maintien du nucléaire, 65% en cas de sortie.

Ce faisant, M. Proglio reconnaît en réalité qu’il faut prévoir une augmentation du prix de vente unitaire (€/kWh) de l’électricité quel que soit le scénario. Les écologistes ne peuvent que s’accorder avec lui sur ce point.

En revanche, la conclusion qu’EELV tire de cet état de fait est tout à fait différente de celle des producteurs d’électricité. Au lieu de réfléchir en termes de prix unitaire (le kWh), il convient de réfléchir en termes de facture réelle des ménages, c’est à dire le prix unitaire multiplié par la quantité consommée…

Pour agir sur la facture, il est nécessaire de réaliser des économies d’énergie, ce que les électriciens n’envisagent pas sérieusement. Cela s’explique peut-être par le fait que les économies d’énergie sont structurellement beaucoup plus difficiles dans un système basé sur le nucléaire, pour des motifs liés à la centralisation de la production, à l’existence de conflits d’intérêts ou encore à une production en base ne correspondant pas aux besoins. Or, les économies d’électricité ont la particularité d’être très rentables.

Une preuve en est qu’en Allemagne, un ménage consomme 25% de moins d’électricité qu’un ménage français (hors chauffage afin que la comparaison soit honnête) pour un même confort.
Si on envisage sérieusement une transition énergétique, c’est-à-dire en incluant des économies d’énergie –contrairement à l’étude de l’UFE-, la conclusion est que la facture finale des ménages et des entreprises sera plus faible d’au moins 10% en cas de sortie du nucléaire par rapport au maintien du nucléaire (étude B. Dessus)
.

Les émissions de gaz à effet de serre et la sortie du nucléaire

La sortie du nucléaire de l’Allemagne (ou de la France) va-t-elle conduire à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre ? M. Proglio affirme « D’abord, cela augmenterait probablement de 50% les émissions de gaz à effet de serre à cause de l’utilisation du charbon, du gaz et du pétrole pour remplacer le nucléaire. C’est ce que fait l’Allemagne. »

La mauvaise foi de M. Proglio est évidente.

En effet, comme M. Proglio le sait parfaitement, le secteur de l’électricité est sous contrainte des « permis d’émission » européens (quotas carbone), comme une grande partie du secteur industriel.

Quel que soit le choix du mode de production électrique, le nombre de quotas européen reste fixe. Le système de quotas fonctionne donc comme des vases communicants : si certains secteurs peuvent émettre plus, d’autres doivent réduire leurs émissions, à quantité totale de quotas égale. Ainsi, si les électriciens veulent émettre plus pour produire l’électricité, ils devront acheter des quotas à d’autres industriels qui eux réduiront leurs émissions. Cette demande aura un effet à la hausse sur les prix des quotas, favorisant ainsi l’innovation dans les réductions d’émissions.

En revanche, d’un point de vue environnemental, strictement aucun effet ne peut être observé.

L’Allemagne s’est engagée sur un objectif de 40% de réduction de ses émissions de GES en 2020 (la France s’en tient à un objectif de 20%) qu’elle n’a pas remis en question avec la décision de sortie du nucléaire.

En réalité, la question de la réduction des émissions de gaz à effet de serre est bien plus large que la question électrique… D’ailleurs, si tel n’était pas le cas, la France ne devrait pas avoir de problèmes d’émissions de gaz à effet serre, avec 75% de nucléaire. Or, l’empreinte carbone par habitant de la France est du même ordre de grandeur que les pays n’ayant pas de centrale nucléaire. On le voit, l’industrie du nucléaire s’est emparée de la question du climat comme d’une bouée à des seules fins de communication : le changement climatique mérite bien mieux.

De plus, il ne faut pas oublier que tout effort de maîtrise de l’énergie, notamment dans la rénovation des bâtiments, conduit à une baisse des besoins non seulement en électricité, mais aussi en énergies fossiles (gaz, fioul), réduisant d’autant les émissions de gaz à effet de serre.

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6 Dans l’étude de Benjamin Dessus, le coût de la production augmente également dans les deux cas de figure (conséquence des investissements nécessaires : augmentation de l’ordre de 50 à 80% par rapport à aujourd’hui), avec un prix au kWh de 20% plus important en cas de sortie qu’en cas de maintien du nucléaire, mais une facture finale incluant les économies d’élecricité.
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V.Accord Verts/PS

Extrait d’article de Samuel Laurent avec Anne-Sophie Mercier du journal le Monde

- Mardi 15 novembre, 18 h 30 : Le nucléaire en ligne de mire. Le protocole d’accord confié à la presse mentionne plusieurs points sur le nucléaire. Tous ont été négociés âprement entre les socialistes, dont Michel Sapin, chargé du programme de François Hollande, et les écologistes. Ils envisagent la fermeture ’"immédiate" du réacteur vieillissant de Fessenheim, en Alsace, la réduction de 75 % à 50 % de la part du nucléaire dans le mix énergétique français d’ici à 2025, et la fermeture de 24 réacteurs sur 58 d’ici à la même date. Enfin, le protocole d’accord mentionne "la reconversion, à emploi constant, de la filière de retraitement et de fabrication du MOX", un combustible nucléaire "recyclé" à partir de matériaux usés, dont la dangerosité est critiquée, mais qui alimente une partie du parc français.

- Mardi 15 novembre, 20 h 30 : éclats de voix au bureau national du PS. L’instance valide l’accord par 33 voix contre 5. Une victoire pour Martine Aubry, qui s’en félicite et parle d’un "texte comme il n’en a jamais été signé entre des partis politiques".

Pour le député-maire d’Evry, "si on est favorables à l’EPR de Flamanville, celui-ci fonctionne au Mox, et par ailleurs une vingtaine de centrales nucléaires fonctionnent au MOX". Pourtant, le socialiste Michel Sapin avançait dans la matinée, quasiment l’inverse à Mediapart, en assurant : "Puisqu’on ferme des centrales, on va donc produire de moins en moins de MOX, c’est ce qui est dit dans ce paragraphe." De plus, le MOX est un carburant de substitution, et la plupart des centrales qui l’utilisent peuvent fonctionner avec d’autres types de carburant.
- Jeudi 15 novembre, 9 heures : ’"Arrogance". C’est un fiasco. L’accord surprise qui devait permettre à M.Hollande de pousser son avantage et de relancer sa campagne termine donc dans la confusion la plus totale : les deux camps campent sur leurs positions, tout en assurant qu’ils sont d’accord. Eva Joly annule sa venue, prévue le soir même, à "Des paroles et des actes", l’émission politique de France 2, qui reçoit Jean-François Copé.

Et la valse des déclarations repart de plus belle. Jean-Vincent Placé, conseiller politique des Verts, qui, la veille, jouait l’apaisement, fustige sur Europe 1 un "entourage" de François Hollande "très productiviste, pro-nucléaire", et qui devient "extrêmement arrogant". Vantant, par contraste, le "grand plaisir" qu’il a eu à travailler avec Michel Sapin, affirme : "Si il y a des petits amis à lui qui mettent du blanco sur des textes vus par la Première secrétaire du PS et la secrétaire nationale d’EELV, ce n’est pas un bon début. Ca peut même être le début de la fin".

Au même moment, sur RMC, l’eurodéputé Daniel Cohn-Bendit attaque François Hollande, jugeant "pas très jojo" de "s’être mis au garde-à-vous" devant Areva. "Il est fort avec les faibles et faible avec les forts, ce n’est pas très jojo", répète l’Eurodéputé.

- Jeudi 15 novembre, 9h30 : "Face à leurs responsabilités". Au même moment, sur Europe 1 toujours, Jean-Marc Ayrault, patron des députés PS, explique que "c’est François Hollande qui dit la vérité" en refusant de sortir du nucléaire. "C’est un engagement qu’il a pris déjà pendant les primaires", rappelle le maire de Nantes, avant d’expliquer que "chacun doit prendre ses responsabilités, nous avons pris les nôtres". "François Hollande ne peut pas partir en campagne sur une ambiguïté, un malentendu". "Il est levé en ce qui nous concerne. Maintenant, les écologistes sont face à leurs responsabilités".

Dans les matinales de radio, les responsables UMP s’en donnent à coeur joie. Le ministre du travail, Xavier Bertrand, s’interroge : "François Hollande devrait être clair un jour. Il passe un accord le mardi matin. Le mardi après-midi on gomme en cachette cet accord, le mardi soir on dit oui, le mercredi on dit non. Vous imaginez un sommet européen ou un G20 qui se passerait comme ça ?"


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Pour s’instruire un peu : QUOTAS DE CARBONE selon le DD Magazine

[http://www.ddmagazine.com/1628-Comprendre-le-marche-du-carbone.html]

Il existe trois méthodes pour inciter à réduire les émissions de CO2 et d’autres polluants : la régulation, qui fixe des normes (par exemple le CO2 par km pour les voitures), la taxation, ou le système de quotas échangeables qui fait l’objet de cet article.
Le principe des quotas échangeables de carbone, connu des experts du monde entier sous l’appelation de "cap and trade", n’est pas très compliqué à comprendre : on fixe des quotas d’émissions pour une zone donnée, dans l’idéal pour la planète. On répartit ces quotas entre les émetteurs de gaz à effet de serre au prorata de leurs émissions. La première année, on distribue autant de quotas, qu’il y a d’émissions dans la zone. Les années suivantes, on réduit les quotas, progressivement. Quant à savoir qui est "on", c’est l’objet du jeu politique, au centre duquel se trouve les Nations Unies, plus exactement la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique (UNFCCC) qui gére les réductions d’émissions dans le cadre du protocole de Kyoto. L’Europe des 27 s’est dotée du premier et du plus grand marché du carbone organisé du monde. C’est la Commision Européenne en conjonction avec les états membres qui alloue les quotas pour chaque pays. Pour la suite, vous pouvez considérer ces quotas comme des droits à émettre, ou des droits à polluer, comme vous voudrez.

L’intérêt de créer un marché

Donc lorsque vous êtes émetteur de gaz à effet de serre, vous êtes donc contraint au fil des ans, soit à réduire, soit à acheter les quotas à d’autres émetteurs dont les réductions dépasseraient leurs quotas et qui donc disposeraient d’un surplus.

Prenons un exemple : vous êtes l’émetteur A ; vous devez réduire vos émissions de 100 000 tonnes de CO2 ; vous calculez que ça vous coûterait 10 millions d’euros. Supposons maintenant qu’il existe un émetteur B, pour qui la réduction de 100 000 tonnes de CO2 est plus facilement réalisable et donc moins chère, disons 5 millions d’euros. S’offre à lui l’opportunité de réaliser cette réduction (en plus de celles auxquelles il est obligé), et de vous vendre son surplus de quotas, avec un bénéfice, puisque même à 6 millions d’euros vous êtes encore très largement gagnant.

Et donc, si le marché fonctionne bien, les réductions se feront là où elles sont les moins chères à réaliser et finalement le coût de la réduction à payer par la société planétaire tendra naturellement vers la valeur la moins élevée possible. Voilà pour le concept, somme toute assez simple. Sa mise en place est en revanche plus compliquée. L’objet de cet article n’est pas de rentrer dans le détail mais d’offrir au lecteur les bases pour comprendre l’actualité ou pour satisfaire sa curiosité.

Comment ça marche. L’exemple européen

Notons d’abord que le système de quotas échangeables européen ne concernent que les émissions industrielles ; les particuliers ne sont pas appelés à acheter des quotas pour les émissions de leurs voitures, leurs maisons, ou autres sources de consommation d’énergie, ce qui limite ces systèmes à environ 40% des émissions, selon les pays. Pour les particuliers, peut être mis en place un système de taxe carbone, comme c’est le cas en France.

l’Europe, le plus grand marché du carbone du monde

Le cadre légal du marché européen du carbone appelé Système communautaire d’échange de quotas d’émission (SCEQE), en anglais, European Union Emission Trading system est défini par la Directive 2003/87/EC entrée en application en fin 2003. Le carbone se compte en unité de crédit appelée EUA (pour European Union Allowance).
Le détenteur d’une unité de crédit à le droit d’émettre une tonne de CO2. Pour l’instant l’allocation de quotas est gratuite. Les quotas d’émissions baissent chaque année et en 2020 ils seront inférieurs de 21% par rapport à ceux de 2005. Environ 12 000 usines sont concernées dans les 27 états membres.
A partir de 2013. Le système des 27 plafonds d’émissions nationaux sera remplacé par un plafond unique pour toute l’Union.
L’octroi gratuit sera progressivement remplacé par la vente aux enchères : environ 50 % en 2013, et progressivement jusqu’à 100% en 2027. Cependant en l’absence d’un accord mondial sur le climat satisfaisant, certains secteurs dont on estime que la compétitivité est menacée continueraient à recevoir jusqu’à 100 % de leurs quotas gratuitement.
Pour l’instant dans l’Union Européenne ne sont concernés que les industriels qui consomment plus de 20 MW d’énergie par an. Le nombre d’unités allouées à chaque émetteur, est précisé dans les Plans d’allocations nationaux, définis par les états membres et approuvés par la Commission Européenne (ici le plan français). Cinq secteurs sont concernés par la directive : la génération d’électricité et de chaleur, les raffineries, la production des métaux, les industries à forte intensité énergétique, et à partir de 2012 le secteur aéronautique. La France et les Pays-bas ont élargi ces secteurs, pour y inclure les émetteurs d’oxyde nitreux du secteur de la Chimie (N2O).
Chaque usine ou centrale électrique concernée dispose donc d’un quota de droit à polluer pour une année, qu’elle s’est vue alloué ou qu’elle a acheté. Ensuite, les émissions de chaque usine sont mesurées. Si l’usine émet plus que son quota, elle doit acheter des droits à polluer à un tiers, de manière à ce que le total des quotas ne puisse dépasser celui alloué au pays ou au secteur. Si l’usine émet moins que son quota, elle a la possibilité de vendre la quote-part non-utilisée de son quota à un tiers. Si elle dépasse son quota, l’industriel paie une pénalité de 100 euros la tonne.
Typiquement, la mesure des émissions d’une usine résulte d’un calcul, sur la base de la charge de l’usine et des émissions moyennes théoriques par unité de production. Seules les grandes centrales avec des émissions concentrées et des flux parfaitement identifiables disposent d’outils de mesure de leurs émissions réelles. La mesure des émissions n’est pas contrôlée par le régulateur gouvernemental, chaque usine fournissant sa mesure. Mais le régulateur peut la remettre en cause s’il estime qu’elle est sous-évaluée, un peu comme l’inspecteur des impôts le ferait à l’égard d’un contribuable suspecté de ne pas déclarer la totalité de ses revenus.

Les bourses du carbone

Des bourses s’établissent pour faciliter l’échange de quotas entre ceux qui émettent en dessous de leurs quotas et ceux qui émettent au dessus,
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