Colloque énergie Batiment : lobby électrique masqué ?

, par  Marie-Odile NOVELLI , popularité : 0%

J’intervenais à une table ronde ce vendredi au palais des congrès de Lyon à l’occasion de rencontres sur l’énergie et le bâtiment organisées par une association (equilibredesenergies.org/) et qui avait comme grand témoin Chantal Jouanno ancienne Ministre et Laurence Rossignol secrétaire nationale du PS à l’environnement. La journaliste Jade Lindgaard, Mediapart (que je ne connais pas mais dont j’apprécie généralement les articles) alertait ces jours "Attention, un lobby électrique se cache derrière cette association « écolo »". Pourquoi participer à ce colloque ? N’est ce pas cautionner un lobby ? Ma réponse.


Colloque énergie Batiment : lobby électrique masqué ?

J’intervenais à une table ronde ce vendredi au palais des congrès de Lyon à l’occasion de rencontres sur l’énergie et le bâtiment organisées par une association (
"equilibredesenergies.org" ) et qui avait comme grand témoin Chantal Jouanno ancienne Ministre et Laurence Rossignol secrétaire nationale du PS à l’environnement.
La journaliste Jade Lindgaard, Mediapart ( que je ne connais pas mais dont j’apprécie généralement les articles) alertait ces jours "Attention, un lobby électrique se cache derrière cette association « écolo »".

Pourquoi aller à ce colloque ? N’est ce pas le cautionner ? Ma réponse.

L’article documenté de Jade Lindgaard, Mediapart [voir plus loin] s’interroge sur la participation de Chantal Jouanno, Laurence Rossignol et moi même aux rencontres de vendredi 1er Juin sur l’énergie et le bâtiment organisées par l’association "Equilibre des énergies", faux nez jusqu’ici du lobby électrique et affichant une volonté d’ouverture qui ne la convainc pas.
Sur le fond, elle a raison de poser la question.

Pourquoi alors avoir accepté cette table ronde ?

Mise en alerte par certains specialistes, j’avais décidé
de maintenir ma participation. D’abord par ce que je suis pour le débat. Pas convaincue par la politique de la chaise vide. Pourquoi ne
pas essayer de mettre un coin dans les certitudes des participants
en majorité - mais complètement-
pro-electricité nucléaire ? Pour moi la politique doit défendre des idées et des conceptions sociétales.
C’est toujours utile de rappeler qu’on ne construit pas pour 15 ou 20 ans mais beaucoup plus, parfois plusieurs siècles. Q’on ne peut pas penser le Bâtiment à
court terme, et qu’à long terme, le nucléaire est une énergie du
passé, comme le gaz, l’uranium ou du pétrole ( 50 Millards de déficit
liés au pétrole en France) de faire réference à d’autres
pratiques énergétiques européennes (que suit la région R. Alpes
presente dans un appel à projet Européen réhabilitation du logement social), de dire que nous pratiquons "dans la vraie vie" avec les bailleurs sociaux (Plus de 80 en Rhone Alpes) le
niveau de performance de la RT2012, alors que certains veulent mettre
en avant
son impossibilité . De dire que l’ Equilibre" des énergies doit être
d’utiliser chaque énergie à son usage optimal et que l’électricité
n’est pas interessant pour le chauffage, etc.
Effectivement il peut -être étonnant et gênant de voir
l’UESH (les HLM) embarqués dans le système. Même si c’est Cecile Duflot, vigilante sur ces points, qui a désormais en charge le logement en tant que ministre.

La situation serait différente si l’association, constituée au départ d’un agrégat d’entreprises à intérêts communs était vraiment devenu un lieu ouvert (différentes associations y ont fait leur entrée) sans lobbiing précis. Mais est ce le cas ?
Je suis donc allée voir de plus près de quoi il s’agit.

L’association équilibre des énergie a fait une présentation non équilibrée

Autant le dire , l’association, n’a pas fait la preuve de son objectivité et de son impartialité sur la question des énergies et du bâtiment ni convaincu les spécialistes de la question.
D’abord, elle n’a pas hésité à faire effectuer l’état des lieux et la problématique introductive par une entreprise de conseil "Manager carbone4" présentée au départ comme une association. L’impartialité aurait exigé une introduction contradictoire sur l’électricité, car c’est la question de l’efficacité de l’électricité qui fait problème, l’entreprise conseil ayant pris parti de façon implicite pour l’énergie électrique. En effet, contrairement au Grenelle qui comptabilise l’énergie en énergie primaire, elle prenait en compte, comme la plupart des intervenants, l’energie finale.
Explication : l’énergie électrique, énergie "noble", est peu efficace pour chauffer. C’est pourquoi le Grenelle n’a pas comptabilisé de la même manière. Si la RT 2012 pour transformer l’énergie finale en énergie primaire a retenu le coefficient de 1, non pénalisant, il n’en va pas de même pour l’électricité dont le coefficient est de de 2, 58 (arrété RT2012). Donc, d’emblée, l’association Equilibre a pris une position non équilibrée.

En gros, mon sentiment dominant, même si quelques intervenants d’intérêt public type Ademe étaient là, devant un public relativement clairsemée le matin, est que les
lobbies ont fait leur marketing, certains ayant même fort peu de choses -voir rien- à dire sur la question de l’innovation en matière de réhabilitation.
il y a pourtant des acteurs du privé, j’en connais, qui font des choses pertinentes sur la question. Clairement la volonté de s’organiser en lobby a interdit le Benchmarking.

Tout n’était pas ininteressant : il y a par exemple l’approche logicielle de gestion
énergétique en fonction des usages, qui travaille dans le cadre d’appels à projets européens (ex. le consortium
Schneider ).
Mais ce qui rassemble les industriels m’a semblé être d’une part un relatif
désintérêt pour la réhabilitation du bâtiment, du moins pour ce que j’en ai vu lors des tables rondes du matin, et d’autre part, la défense des interêts économiques
réglementaires ou sous formes de Certif. d’Energie (que des enseignes
telles qu’Auchan recoltent, moyennant des ristournes aux clients : un
sacré marketing ! L’encadrement d’utilité publique reste à mettre en place).

AUTRE CHOSE :
J’ai présentée notre démarche dans le temps (assez faible) imparti :
ferme sur les objectifs, souples sur les moyens, l’eco-socio
conditionnalité des aides avec les bailleurs de R.
Alpes [objectif : la géneralisation, ce qui apparemment est rare en France,
l’intervention s’effectuant généralement niveau de l’agglo mais pas au niveau régional, ce qui produit un effet d’entrainement et de qualification des acteurs plus faible.]

Les objectifs sont ambitieux : réduction des émissions de gaz à effet de serre, lutter contre la précarité énergétique, enjeux économiques en terme d’emplois et d’industrie liés à la fois au bâtiment et aux énergies renouvelables. Les résultats attendus sont concrets et mis en oeuvre avec le pragmatique possible.
Nous
avions commencé par le neuf, nous sommes sur la réhabilitation aujourd’hui.
Les référentiels co- construits sont évalués chaque année (j’y rajoute en 2012
les représentants de locataires) avec tous les partenaires. [Vote actualisé à la prochaine CP.]
sera en ligne en Juillet après la permanente sur le site lire http://www.logementsocialdurable.fr/ .

Néanmoins Mr Bergougnoux en conclusion de table ronde 1 a repris une chose de mon intervention : Le BBC Compatible. Pour le dire
simplement, le fait que toute réhabilitation doit viser le BBC, et
donner les moyens d’être opérationnel dans la suite pour l’objectif BBC,
qu’on ait commencé par ex par la réhabilitation des murs extérieurs ou par les fenètres...
Ca concerne donc maitrise d’ouvrage, d’oeuvre, d’exécution.
Là, on est sur de la réhabilitation du bâti, pas de l’électricité !

Je n’ai pas vu ce qui se disait l’après midi.

Il est certain que le lobbiing va continuer. As usual, sans surprises. Ce qui serait choquant, c’est que ce lobbiing s’effectue à couvert, ce qui a failli être le cas. Une république ne doit pas permettre que l’interet general en soit victime.
Sur le fond : défendre le statu quo énegétique est un exercice à très courte vue, dans un monde plombé par les factures énergétiques, et face à l’enjeu d’une 3eme révolution industrielle où l’Europe doit reprendre sa place , où l’on doit quitter l’âge du carbone (et méthane) et des non renouvelables pour aller vers des bâtiments producteurs d’énergie.
Il y a une place pour l’électricité, elle doit être renouvelable, l’enjeu est la co- génération le stockage, les autres enjeux énergétiques étant l’efficacité et la sobriété, cf http://www.negawatt.org/ ;
lire .

Marie Odile Novelli

Voici ICI la réponse de "Bertrand" de Equilibre des énergies à la suite de l’article sur mon site .

Attention, un lobby électrique se cache derrière cette association « écolo »
PAR JADE LINDGAARD ARTICLE PUBLIÉ LE JEUDI 31 MAI 2012

Des rencontres consacrées aux énergies et aux bâtiments sous l’angle des « nouveaux enjeux citoyens ». Une association organisatrice qui s’intitule « Équilibre des énergies ». Un discours qui prône la réduction des émissions de gaz à effet de serre. À première vue, les rencontres organisées à Lyon, vendredi 1er juin, doivent renforcer la culture écologique du BTP et du logement, enjeu majeur de la lutte contre le changement climatique.
Pourtant, à y regarder de plus près, apparaissent des signaux contradictoires. Les prises de position, la composition et l’histoire de la toute jeune association, créée il y a un an, apparaissent au diapason des demandes des industriels de l’électricité, très inquiets des premiers effets de la nouvelle régulation thermique 2012 issue du Grenelle de l’environnement. Selon de premières estimations, la part du chauffage électrique dans les nouveaux logements se met en effet à baisser, en rupture avec la préférence historique des constructeurs pour les électrons.
Dans ce contexte très agité – des milliards d’euros de chiffres d’affaires sont en jeu –, une drôle d’association a donc vu le jour. Créée en 2011, l’association Équilibre des énergies regroupe des industriels : EDF, Atlantic (chauffage électrique, air conditionné…), Muller (chauffage électrique, pompes à chaleur…), Danfoss (chauffage, réfrigération), Hora (chauffage par plancher et plafond rayonnant), auxquels s’ajoutent des associations professionnelles (association française pour les pompes à chaleur, groupement interprofessionnel des fabricants d’appareils ménagers, fédération des grossistes en matériel électrique) et la banque Neuflize OBC. Plus récemment, les ont rejoints des associations de consommateurs comme Familles de France et l’association Léo Lagrange (éducation populaire et économie sociale), ainsi que l’Union sociale pour l’habitat, qui représente les organismes HLM. Équilibre des énergies est présidée par Jean Bergougnoux, ancien directeur-général d’EDF (de 1987 à 1994), et membre du comité d’analyse stratégique.
C’est donc cette structure qui organise vendredi 1er juin au centre des congrès, à Lyon, des rencontres autour du bâtiment (voir ici). Y participent des responsables politiques de premier plan : l’ancienne ministre de l’écologie Chantal Jouanno, la secrétaire nationale du PS à l’environnement Laurence Rossignol, la vice-présidente de la région Rhône-Alpes au logement Marie-Odile Novelli. Dans le monde de l’efficacité énergétique et de la rénovation thermique, chantier prioritaire de la transition écologique annoncée pendant sa campagne par François Hollande, c’est un petit événement.

« Lobbying commando »

La lecture des divers textes mis en ligne sur le site de l’association réserve pourtant des surprises. D’abord, ils ne sont pas avares de critique contre la régulation thermique 2012 (dite « RT 2012 »). Issue du Grenelle de l’environnement, ce nouveau cadre réglementaire veut limiter les consommations énergétiques des bâtiments neufs au seuil de 50 Kwh par mètre carré et par an – ce fut l’une des grandes batailles du vote de la loi Grenelle.
Principales critiques d’Équilibre des énergies : elle ne prend pas en compte les émissions de CO2 et elle se calcule en usage primaire (qui comptabilise l’énergie à l’état « naturel », avant transformation) et non en usage final (la quantité effectivement consommée par l’utilisateur). Cette distinction est au cœur de la controverse française sur l’énergie car le lobby du nucléaire ne veut pas entendre parler de décompte en énergie primaire, défavorable à l’atome, dont seulement 30 % de la puissance initiale peut être utilisée, compte-tenu de son faible rendement.
« La consommation d’énergie primaire est un critère insuffisant pour apprécier l’intérêt d’une solution », insiste l’association, graphique à l’appui. C’est le même argument que met aujourd’hui en avant la France pour tenter de rogner sur la directive européenne portant sur l’efficacité énergétique (voir ici notre article sur le sujet). Enfin, alors que la réduction de la consommation est au cœur de tous les objectifs de lutte contre le changement climatique depuis presque dix ans, l’association préfère mettre en avant l’innovation, le « meilleur moyen de sortir de l’impasse ». En bref, en grattant un peu derrière l’habillage écologiste, on tombe très vite sur des arguments pro-industriels et pro-nucléaires.
Et ce n’est pas fini. Car Mediapart s’est procuré un document interne de l’association, datant de l’année dernière. Intitulé « plan d’action détaillé », il décrit les stratégies de lobbying de l’association pour l’année 2011-2012 afin « d’investir progressivement le champ médiatique » (à lire ci-dessous).











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Première étape : « une action de lobbying commando », avec pour objectif principal, la « neutralisation et/ou la modulation de certaines dispositions de la RT 2012 ». Puis, à plus long terme, « peser sur l’élaboration de la RT 2020 ». Les « cibles » des « rendez-vous one to one prioritaires » sont énumérées : les ministres et leurs cabinets. Pour parvenir à ses fins, l’association espère s’imposer comme « acteur de référence » vis-à-vis des pouvoirs publics concernant la RT 2012, la 2020 et « tous les sujets relatifs au consommateur vis-à-vis du logement et des énergies/environnement ». Et prévoit de créer une « task force 2,58 ». Sibyllin pour les profanes, ce chiffre fut l’objet d’âpres échanges en 2011. Il désigne le coefficient choisi par l’arrêté de la RT 2012 pour transformer l’énergie finale en énergie primaire concernant l’électricité. Pour toutes les autres énergies, le coefficient n’est que de 1, beaucoup moins pénalisant, donc.

« Mauve, symbole de sagesse, de réflexion »

Pour faire passer la pilule de ce vocabulaire très guerrier, un élégant habillage thématique est proposé, sous la forme de « chevaux de bataille », sur le mix énergétique optimal, la mobilité, les consommateurs-citoyens, et la politique du logement. Ces deux derniers thèmes correspondent exactement à la réunion du 1er juin.
Aucun détail ne semble devoir être négligé, pas même le code couleur de l’organisation : « des couleurs empruntées au Grenelle de l’environnement mais adoucies, en demi-teinte, pour une vision plus sage (mauve, symbole de sagesse, de réflexion) et plus humaine (orange, symbole du bonheur, du confort, du bien-être). »
« Nous ne sommes pas le faux nez dfEDF ! » répond Jean Bergougnoux, président d’Équilibre des énergies, « nous défendons l’électricité mais pas EDF et nous ne sommes pas des lobbyistes ». Son association est, selon lui, dotée d’un budget de 800 000 euros, auquel la contribution d’EDF est “limitée” à 15 %, soit environ 120 000 euros. Une somme non négligeable dans le paysage précarisé du monde associatif depuis la fonte des subventions.
Au départ, l’association a pu apparaître comme « une tentative de fabricants de matériels électrique qui dénonçaient ce qu’ils ressentaient comme une injustice », ajoute-t-il. Mais il assure que le discours de son organisation a changé et que « nous nous recentrons sur les utilisateurs des bâtiments. Mon seul critère, c’est l’intérêt des consommateurs et la vérité des prix ». Quant à la RT 2012, « nous n’y sommes pas opposés », affirme-t-il, « c’est une très bonne chose d’améliorer l’isolation des bâtiments ». Tout en reconnaissant « avoir des interrogations par rapport au mode de calcul et à la reconnaissance des mérites des différentes énergies en présence ». Bref, en apparence plus si opposée à son ennemi d’hier, l’association y reste quand même bien réticente.
Au-delà de l’espace d’influence de cette association, la bataille contre la régulation thermique 2012 se poursuit. Déposé l’année dernière par le groupement interprofessionnel de fabricants d’appareils d’équipement ménager (GIFAM), un recours anti-RT 2012 est toujours en cours d’instruction par le Conseil d’État.