Entre POPULISME et TECHNOCRATIE, La démocratie ?

, par  Marie-Odile NOVELLI , popularité : 0%

Quel rôle des media dans le bon fonctionnement de la démocratie ? - L’actualité de la semaine défile comme un chapelet tétanisant : rejet des partis politiques en Italie avec pas moins de 25 % des suffrages à Bepe Grillo animateur du mouvement 5 étoiles, révolte ou polémique - et non débat- autour de la rigueur budgétaire plus nocive que prévue partout en Europe, réactions polémiques de Marine Lepen sur la prévention de la récidive...Ces sujets ont un point commun : il s’agit d’informations assez anxiogènes, car elles ne nous permettent pas de comprendre ce qui se passe dans la société, ni de savoir comment nous devrions agir...Et ce n’est pas le Concept de POPULISME brandi à tout va par les commentateurs qui peut servir d’explication.


[modifié le 11.3.13]

Entre technocratie et populisme, la voie étroite de la démocratie ? Quel rôle éducatif des media ?

L’actualité de la semaine défile comme un chapelet fataliste ou tétanisant : rejet des partis politiques en Italie avec pas moins de 25 % des suffrages à Bepe Grillo animateur du mouvement 5 étoiles, polémique - et non débat- autour de la rigueur budgétaire partout en Europe, réactions polémiques de Marine Lepen (et d’autres) au rapport sur la Prévention de la Récidive en France.
Ces sujets ont un point commun : il s’agit d’informations assez anxiogènes, parce qu’elles ne nous permettent pas de comprendre ce qui se passe dans la société, ni de savoir comment nous devrions agir. Et ce n’est pas le Concept de POPULISME brandi trop facilement à tout va par les commentateurs qui peut servir d’explication.
Pourtant, dans une démocratie, la compréhension du monde - complexe- est un préalable aux choix d’actions.
Elle est d’autant plus indispensable que ce sont les citoyens qui choisissent leurs décideurs, qui sont donc responsables du choix de leurs élus. Ce système implique qu’ils aient suffisamment d’informations pertinentes et objectives : lorsque les informations se succèdent en boucle sur les chaines sans que soient données des clés de lectures utiles en dehors des "réactions" de personnalités politiques, trop souvent engluées dans le marketing politique convenu ou l’idéologie réductrice, on n’a pas affaire à une information utile à la société et à la démocratie.

Il faudrait donc d’abord se doter d’un service d’ Information au service des citoyens, utile pour comprendre le mieux possible la complexité du monde. Evidemment, ceci engagerait des moyens d’action différents, la solution ne dépendant pas uniquement des seuls journalistes (1).

Les peuples du Sud de l’ Europe refusent l’austérité mais ont- ils tort ?

- En Italie, le Rejet des partis politiques et de Mario Monti, sénateur à vie et technocrate ex-Commissaire Européen, ainsi que la montée en puissance inédite de l’humoriste "agitateur d’idées" Bepe Grillo , animateur du "V-Day " (Vaffanculo : " va te faire foutre ") et leader du nouveau mouvement politique 5 étoiles prend tout son sens quand on le rapproche du rejet de l’austérité prônée par Bruxelle, mais aussi de l’analyse du FMI reconnaissant que l’austérité est bien plus nocive que prévu ; ou encore, de l’analyse de X. Timbeau [http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/documents/prev/prev1012/inter181012.pdf] directeur de la prévision de la revue de l’ OFCE*, qui dit que " la stratégie mise en oeuvre par les gouvernements a des conséquences qui non seulement replongent les économies dans la récession - ce qui pourrait être le prix à payer aujourd’hui pour une amélioration dans le futur - mais rendent en plus impossible la réalisation de l’objectif." ** voir article Liberation .

Car ainsi, il apparait que le prix à payer - l’austérité et le chômage notamment pour les jeunes- est non seulement injuste, mais aussi inutile, voire nuisible, ce qui signe le grave échec à la fois du politique et de la technocratie ! Peut on dire que ces citoyens qui votent Bepe Grillo sont fous ou inconscients ? Il apparait plutôt que ne pouvant transformer le système, les italiens optent pour la dérision ! C’est une forme de révolte assez peu efficace (on n’est ni dans l’indignation, ni dans l’engagement, chers à Stephane Hessel).
Cependant , les media pourraient davantage faire ressortir la nature du problème, sans se contenter trop souvent de "compter les points" entre des prétendants à une élection.
Mieux exprimer quels sont les problèmes peut permettre leur compréhension, et une tentative de résolution collective. C’est pourquoi il me semble indispensable que les media acquiérent une fonction d’éducation populaire et citoyenne, et que l’école ( le lycée) joue aussi ce rôle de son côté. Le caractère sain de la démocratie en dépend.

Des outils démocratiques trop timides non relayés :

-Autre exemple récent, la polémique et la démagogie autour de la prévention de la récidive, Marine Lepen "s’asseyant" sur la conférence de consensus***
de Christiane Taubira
, et dénigrant ainsi le travail démocratique du jury de citoyens éclairés par des experts auditionnés.
Comme s’il n’y avait pas de savoirs accumulés qui puissent être utiles à la prise de décisions, ni de raisons de prendre les meilleures décisions possibles !
La Conférence de Consensus , née en Allemagne dans les années 70 et institutionnalisée dans les années 80 au Danemark est une tentative encore assez inédite en France de démocratie citoyenne, et d’ approfondissement réel et sérieux d’un sujet technique par les citoyens. La composition du jury (panel représentatif, jury tiré au sort) peut être différente et mérite débat.
Quoiqu’il en soit ces citoyens auditionnent des "experts" variés, parmi lesquels il est très important à mon sens que figure l’expertise d’usage ( cf le travail effectué en HQU i.e. haute qualité d’usage sur le handicap - voir sur ce site), et débattent ensuite eux même très sérieusement. Ils s’agit donc d’une forme de démocratie enrichie.
Il est particulièrement absurde et nocif pour la démocratie de mettre en cause ou d’ignorer ce type d’avancées. Les media auraient du expliquer ce que sont les conférences de consensus, au lieu de se contenter de guetter les réactions politiques, qui ne sont pas de l’information, du moins qui n’en constituent qu’une infime partie.
Car les conférences de Consensus - encore perfectibles- fruit d’un travail sérieux, permettent une réflexion démocratique "savante", un jugement en connaissance de cause. Elles réconcilient l’expert et le citoyen, sans omettre le débat démocratique.
Il serait extrêmement préjudiciable de nier que les sujets à traiter dans notre société sont complexes, et nécessitent un réel travail. Cette démagogie là serait le fossoyeur d’une démocratie efficace.

- Ces conférences de consensus sont du reste extrêmement utiles pour tous les sujets complexes de notre monde, notamment scientifiques, à commencer par ceux qui engagent notre avenir et devraient mobiliser le principe de précaution : les OGM en sont un (Dominique Voynet alors ministre l’avait mise en oeuvre sur le sujet), mais aussi les produits industriels ou appelées à le devenir, issus des techno-sciences, (les nano- particules par ex) qui ne font pas toujours l’objet d’autorisation de mise sur le marché, et donc ne bénéficient même pas d’évaluation sanitaire.
Probablement du reste qu’il faudrait aussi transformer sur ce point davantage le fameux Conseil Economique, social et depuis peu, Environnemental, de manière à traiter correctement tous les enjeux de long terme.

-Enfin l’analyse économique stratégique devrait faire l’objet de débats réels, car l’économie est loin d’être une science, comme le confirment s’il était besoin les récentes corrections des évaluations du FMI , mais elle est par contre trop souvent l’objet voire le produit de lobbies divers préjudiciables aux choix démocratiques conscients. (Pour ne prendre qu’un exemple encore entendu ce matin : l’information partielle concernant la suprématie supposée de l’ Allemagne , toutes choses non égales par ailleurs - Lire par ex sur ce sujet le dernier livre de G. Duval, rédacteur en chef d’alternatives économiques ).

[1]En conclusion : ne nous voilons pas la face, il n’ y a pas de démocratie possible sans développement d’une information pédagogique et de qualité.
L’on ne peut raisonner au seul plan micro-économique, dans le cadre de l’entreprise de presse soumise à la concurrence de marché et aux produits de la publicité. Dans ce cadre, il faut rappeler que nombre de journalistes font bien ce qu’ils peuvent mais qu’ils sont limités.
L’actualité politique nous le démontre je crois, ce n’est pas le Concept de POPULISME brandi trop facilement à tout va par les commentateurs qui peut servir d’explication aux réactions actuelles des peuples européens.
Je crois que la bonne question est :
Comment dans un monde complexe prendre démocratiquement les bonnes décisions ?

Il me semble que nous devons nous doter d’un service public de l’information au service des citoyens, qui remplisse une fonction d’éducation populaire et citoyenne, et que l’école ( le lycée) joue aussi ce rôle de son côté. Un service apte à donner une information claire et utile pour comprendre le mieux possible la complexité du monde. Ceci impliquera probablement la formation et le recrutement de personnel formé. De nouveaux emplois qualifiés au service de la société, devenue particulièrement complexe. Un service mutualisé :l’heure ne peut plus être à la concurrence pure entre media d’une part, et entre structures éducatives d’autre part, cela coûterait trop cher. Un service avec une vocation d’utilité publique, une garantie d’éthique et d’independance politique. Celui-ci pourrait constituer par exemple un pool d’instruction-recherche en amont des activités journalistique et éducatives.
On reconnaîtra dans mes propos l’idéal d’émancipation de la société, elle même responsable de son avenir social et économique ainsi que de la biosphère de laquelle dépendent les êtres vivants. Si nous ne nous occupons pas de la société et de la planète, qui donc va assurément le faire à notre place ?
Il me semble qu’il faut être sérieux : ne pas faire le choix d’une information pédagogique et de qualité condamne la démocratie.
Dans une démocratie, l’élévation des capacités d’agir des citoyen(ne)s pour le bien commun est cruciale. Sinon, c’est toute la société à terme qui perd. Avec comme alternative éventuelle salvatrice l’autoritarisme pour corriger les erreurs les plus fatales. Un avenir médiocre pour une démocratie !

M.O.Novelli

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*LA DÉBÂCLE DE L’AUSTÉRITÉ
PERSPECTIVES 2012-2013 POUR L’ÉCONOMIE MONDIALE- Revue de l’OFCE*-


Xavier TIMBEAU Directeur du Département analyse et prévision,
Assistante
Nathalie Ovide

voir ici .

"Les États européens se sont lancés dans des politiques d’austérité pour assainir leurs finances publiques. Lutter contre les déficits et l’endettement est une intention naturellement louable et relève de la « bonne gestion », mais la stratégie mise en oeuvre par les gouvernements a des conséquences qui non seulement replongent les économies dans la récession - ce qui pourrait être leprix à payer aujourd’hui pour une amélioration dans le futur -mais rendent en
plus impossible la réalisation de l’objectif.
Les effets multiplicateurs, sur lesquels était fondé le succès des plans de
relance pour contrer la récession, jouent aujourd’hui en sens inverse. Les réductions de recettes fiscales liées au fléchissement de l’activité qui résulte des politiques budgétaires restrictives freinent la baisse du déficit. En outre, l’austérité est mise en œuvre dans une période de basse conjoncture pendant laquelle la valeur des multiplicateurs budgétaire est élevée, ce ui conduit à une impasse complète dans les pays les plus en difficulté. L’obstination des gouvernements à réduire le déficit débouche ainsi sur une spirale de rigueur et de récession".

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OFCE, 69, quai d’Orsay - 75340 Paris Cedex 07

Xavier Timbeau est directeur du Département analyse et prévision depuis 2001 à l’OFCE.
Le département compte 17 économistes. Ils réalisent deux fois par an une prévision à court terme (6 trimestres) de l’économie mondiale ainsi que des prévisions à long terme (2010) pour le compte d’administrations ou des Assemblées.
Le département analyse également les questions de politique économique française et européennes (35 heures, fiscalité, politiques de l’emploi et politiques sociales, politique budgétaire et monétaire) et les questions structurelles (réformes fiscales, impact des nouvelles technologies). Les méthodes d’investigations sont les comparaisons internationales, les analyses économétriques et les modèles.

La plupart des analyses sont publiées dans la Lettre ou dans la Revue de l’OFCE. De nombreuses interventions pour diffuser les travaux sont réalisées en France ou à l’étranger (présentations, interview, articles de presses).

**On peut encore noter qu’il y a un débat technique sur la hauteur du "coefficient multiplicateur" c’est à dire sur l’ampleur de la nocivité. (suite extrait Liberation).Deux économistes du FMI notent "qu’une plus forte consolidation fiscale est allée de concert avec une croissance plus faible que prévu, écrivent-ils. Une explication naturelle est que les multiplicateurs fiscaux étaient nettement plus haut que ce que les prévisions estimaient ". Le « multiplicateur » en question est le coefficient reliant l’évolution des dépenses publiques (ou des impôts) au taux de croissance de l’économie. Lorsque ce coefficient est de 0,5, par exemple, cela signifie qu’un point de dépense publique en moins, ou d’impôt en plus, entraîne une baisse de 0,5 point de l’activité « Il y a deux façons de le calculer, explique Xavier Timbeau, économiste à l’OFCE. Soit en faisant de l’analyse historique, en regardant les liens passés entre les politiques budgétaires et l’activité ; soit en construisant un modèle économique et en étudiant les relations entre ses différents composants. Dans les deux cas, ce ne sont pas des modèles neutres : leur construction comporte toujours une part d’a priori, qui correspondent à des idéologies. »
Or, selon Blanchard et Leigh, le multiplicateur « de crise » pourrait être jusqu’à trois fois supérieur à celui des périodes « normales », utilisé jusqu’à présent. Les deux économistes l’avaient déjà écrit dans le très officiel rapport annuel du FMI, publié en octobre 2012 (page 41) : « De nombreux documents, dont certains issus du FMI, suggèrent que les multiplicateurs fiscaux utilisés dans les prévisions se situent autour de 0,5. Nos résultats indiquent que ces multiplicateurs se sont en fait situés entre 0,9 et 1,7 » depuis le début de la crise. En clair, l’impact de l’austérité serait, selon les cas, de deux à trois fois plus important que prévu.
« Jusqu’à présent, on a appliqué au temps de crise le multiplicateur des périodes normales, explique Xavier Timbeau. Or, dans une crise, tout le monde panique. Les gens ne se conduisent pas de la même façon et personne ne peut anticiper le futur. Par ailleurs, si l’austérité est beaucoup plus récessive qu’on ne le pensait, cela veut aussi dire qu’une politique de relance serait beaucoup plus efficace qu’on ne l’imagine ! »

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La conférence de consensus

- a pour objectifs
d’établir un état des lieux des connaissances en matière de prévention de la récidive tant
en France qu’à l’étranger et d’effectuer un recensement des expériences et pratiques
professionnelles prometteuses, • de rechercher, à partir de ces éléments de connaissance, les organisations, les méthodes
et les pratiques professionnelles les plus efficaces, • d’objectiver les termes du débat sur la prévention de la récidive, de rechercher les moyens
de les mettre à disposition du grand public, au-delà des seuls spécialistes, et de proposer les termes d’un consensus constructif sur les mesures à mettre en œuvre.

-Le jury de consensus, indépendant, composé de personnes diverses issues de
la société civile.

- La préparation de la conférence est conduite par un comité d’organisation, qui mène ses travaux en toute indépendance.Présidé par Mme Nicole MAESTRACCI, Première Présidente de la cour d’appel de Rouen, il réunit des élus, des représentants français et étrangers issus des milieux universitaires et de la recherche, des magistrats, des professionnels pénitentiaires et de la sécurité publique, ainsi que des représentants d’institutions ou d’associations particulièrement impliquées dans le champ de la prévention de la récidive .