Forum CHASSE. intervention VOYNET

, par  Marie-Odile NOVELLI , popularité : 0%

Intervention de Dominique Voynet au forum de la fédération
nationale des chasseurs


 Intervention de Dominique Voynet au forum de la fédération
nationale des chasseurs - 20 février 2007

Dominique a délibérément choisi d’appuyer là où ça fait mal.
Il aurait été intéressant qu’elle souligne le travail collaboratif bien réel existant sur certains territoires entre chasseurs et écologistes (dont les Verts, qu’ils soient élus ou non) .
 Il est vrai que sur le plan des principes, Chasseurs et écologistes ont en effet théoriquement un certain nombre d’intérêts communs : la régulation des espèces, concrétisée dans les plans de chasse, le respect des périodes de procréation, ,afin d’assurer le renouvellement de l’espèce, la chasse aux espèces menaçantes à l’inverse qui , en proliférant, mettent en danger l’équilibre de la faune et des écosystèmes (tels que l’excès de sangliers, de merles etc... qui produisent de gros dégats).
Si Dominique a à peine évoqué ce partenariat, son texte "rentre dedans" a le mérite de poser un certain nombre de problèmes qu’évidemment - hélas- aucun autre parti n’ a osé évoquer. A lire (j’a i mis en gras la plupart des moments les plus "chauds"qui posent les problèmes ) : sans langue de bois garanti.
Marie Odile NOVELLI.

 Intervention de Dominique Voynet au forum de la fédératio
nationale des chasseurs - 20 février 2007

"Je ne suis pas venue faire la danse du ventre devant vous.
D’autres candidats s’y hasarderont sans doute, faisant mine de croire
qu’un citoyen détermine son vote en fonction d’un intérêt particulier,
objet de sa passion.

Je ne suis pas venue non plus régler des comptes. Ceux de l’époque
précédente ne seront sans doute jamais soldés.
Il y a ici beaucoup de gens qui n’étaient pas encore en responsabilités
et qui ne se retrouvent pas dans les croisades menées alors.
Et d’autres qui l’étaient, mais qui peinent sans doute aujourd’hui à
assumer l’image de ces manifestations au cours desquelles certains ont
trouvé drôle de promener des poupées gonflables à mon effigie, proférer
des menaces de mort, affirmer que la chasse à la Voynet est ouverte tous
les jours de l’année...

Quand je repense à cette époque aux efforts qu’il a fallu déployer pour
faire retirer l’ortolan de la liste des espèces chassables, on m’a dit à
l’époque qu’il s’agissait de tuer une deuxième fois François Mitterrand.
Quand je pense au temps passé par les parlementaires, tellement plus de
temps, pour examiner des lois sur la chasse en 94, en 98, en 99, en
2000, en 2003, en 2005, tellement plus souvent, tellement plus longtemps
que sur les questions de défense ou d’éducation.

On me dit qu’il y a 220 députés dans le groupe d’amitié de l’Assemblée
nationale pour la chasse, 80 sénateurs. Pour ce qui concerne les
sénateurs, je ne peux rien en dire, j’en suis officiellement membre mais
ce groupe ne se réunit apparemment plus jamais depuis que j’y ai payé ma
cotisation.

En tout cas, quand je pense à ces sujets, je me sens l’envie de vous dire
deux trois choses, en mémoire du passé.

D’abord pour dire que pendant ces quatre années au cours desquelles j’ai
appris à bien vous connaître, au moins autant que vous, vous me
connaissez, j’ai eu le sentiment que toute avancée, tout effort pour vous
comprendre, était systématiquement interprété comme une marque de
faiblesse incitant à en abuser, à demander plus encore. J’ai eu le
sentiment que toute remise en cause de certaines pratiques et de certains
modes
d’organisation de la chasse conduisait à vous classer comme anti-chasse.
Et ça a mis en difficulté des mesures qui n’avaient pas d’autre objets
que
de renforcer la sécurité, d’arbitrer des conflits d’usage, de tenir
compte des données scientifiques pour fixer les dates de chasse.

Je voulais aussi vous dire ma conviction que les discussions qui se sont
engagées à plusieurs reprises, entre chasseurs et écologistes, ont
systématiquement tourné court face à l’arrogance de certains,
revendiquant le titre de « premiers écologistes de France », insultant
ceux qui faisaient des pas en avant d’un côté ou de l’autre, empêchant
des réunions de se tenir.

Je n’ai rien oublié de ce qui s’est passé à Montargis, à Dunkerque, dans
l’Ariège, à Arles... Je n’ai pas oublié les violences physiques dont ont
été victimes certains de mes camarades, certains de mes amis ! Ces hauts
faits ont nourri la mythologie de CPNT, ils n’ont rien réglé des
problèmes de la chasse !

Alors j’en viens quand même à mes propositions puisque, ne vous en
déplaise, je ne me considère pas comme hostile à la chasse.

C’est une activité qui est pratiquée par au plus 1,3 million de nos
concitoyens.
Vous le savez, un chasseur qui valide son permis pour deux ou trois
départements est comptabilisé comme deux ou trois chasseurs, donc c’est
difficile de savoir exactement combien vous êtes. /Huées./ C’est la règle
 ! J’allais dire que certains d’entre eux que je n’ai pas comptés
non plus sont membres des Verts et d’associations de protection de la
nature.

Comme responsable politique je me dois de tenir compte de cette réalité,
même si je ne pratique pas ce loisir. Il est pour moi exactement aussi
légitime, ni plus ni moins, que d’autres formes de loisirs comme la
randonnée, le football ou les jeux de boules.
La chasse revêt cependant un caractère particulier en ce qu’elle conduit
à la mise à mort d’animaux qui font partie d’un patrimoine naturel commun
à l’ensemble
des citoyens, voire au-delà pour ce qui concerne les espèces
migratrices.

Certains récusent par ailleurs la chasse pour des raisons éthiques, la
légitimité de leur préoccupation n’est elle non plus ni plus grande, ni
plus petite que celle des chasseurs.

La chasse a un rôle économique dans certaines régions, elle est présentée
par certains comme une facette de l’écotourisme.
Ceci étant, il faut bien convenir que la présentation de la chasse comme
un acte naturel de prédation sur un gibier sauvage correspond de moins en
moins
souvent à la réalité pour certaines espèces de petit gibier : le faisan,
la perdrix, le canard colvert, dont l’essentiel du tableau de chasse
provient de lâchers d’animaux d’élevage.

La chasse peut participer à la régulation d’espèces causant des dégats
importants à certaines activités humaines, l’agriculture, l’exploitation
forestière...
Mais l’équation « chasse = régulation » est loin d’être vérifiée : le
sanglier, les cervidées, l’étourneau sansonnet sont des espèces gibier du
ressort des chasseurs et l’on doit bien constater, aux vues de la
prolifération de ces espèces, qu’ils ne sont pas toujours en mesure
d’assurer
l’équilibre agro-sylvo-cynégétique requis.

La chasse n’est acceptable qu’à trois conditions essentielles :
elle ne doit pas mettre en danger les populations animales, gibier ou non
 ;
elle doit rester compatible avec les autres usages des milieux naturels ;
elle doit être respectueuse des lois et réglements, européens et
nationaux.

Je regrette personnellement que les chasseurs, en tant que collectif, en
tant que lobby, fassent si peu pour la conservation de la nature.

/Huées./ Ça n’enlève rien au mérite de tous ceux, isolément ou dans des
ACA, qui replantent des haies, qui entretiennent des sentes, ou des
cultures à gibier. Ça n’enlève rien à l’intérêt de ceux qui protègent les
oiseaux à bigougliers en Corse, ou les tétras de la forêt du Massacre
dans le Doubs.

Mais on doit prendre en compte le fait que pour ce qui concerne
l’élaboration et la conduite des différentes réformes de la politique
agricole commune, qui auraient permis de prendre en compte les données de
l’environnement, notamment la qualité des milieux permettant le
maintien d’une diversité biologique, intéressant aussi bien les chasseurs
que des protecteurs de la nature, on n’a peu vu la Fédération nationale
des chasseurs
se mobiliser et intervenir auprès de divers responsables politiques.

Qu’il s’agisse de la destruction des zones humides, du développement des
pratiques intensives d’agriculture, de la banalisation des territoires,
alors que c’est une évidence de le reconnaître, vous avez été très actifs
sur les périodes de chasse.

Je regrette, personnellement, que les chasseurs cautionnent des
violations flagrantes de la législation : chasse à l’ortolan, chasse aux
pigeons au col de l’Escrinet en mars. Je regrette personnellement que
tant d’entre vous restent incapables au-delà de la condamnation formelle
d’actes de violence d’y mettre un terme concrètement. Je pense à
l’agression physique qui a été perpétrée contre des militants de la
Ligue de protection des oiseaux dans l’estuaire de la Seine à la fin de
l’année 2005. Je pense au massacre d’oiseaux protégés et à l’incendie de
huttes à l’étang de la Brière. J’ajouterai également que la chasse ne
doit pas être un privilège réservé aux plus fortunés, comme cela a
tendance à être le cas
actuellement dans certaines régions avec, en plus des taxes et des
cotisations, le prix de location d’un territoire de chasse ou d’une hutte
de chasse.

Les chasses dites traditionnelles sont acceptables aux mêmes conditions,
mais on doit réaliser que depuis qu’elles existent les milieux naturels
ont été largement modifiés et ne peuvent souvent plus supporter ce type
de chasse. On doit donc pouvoir vérifier qu’elles sont sélectives et
qu’elles ne se pratiquent pas sur des espèces ménacées.

Je suis pour un renforcement de la police de la nature, qui ne doit pas
être spécialisée sur la chasse ou la pêche, mais sur toutes les
atteintes à la nature. Police indépendante des utilisateurs,
particulièrement de ceux et celles qu’elle a en charge de contrôler.

La politique de la chasse doit rester sous la tutelle du ministère de la
protection de la nature et de l’environnement, la chasse ne pouvant
continuer à exister sans des milieux naturels en bon état de
conservation. C’est aussi l’intérêt des chasseurs. Je constate que vous
faites des propositions pour un ministère de la ruralité qui traiterait
des questions de chasse, de forêt et d’agriculture mais comment le faire
sans p
rendre en compte le support, c’est-à-dire la nature elle-même ?

Je constate que les relations entre les chasseurs et les protecteurs de
l’environnement ont toujours été difficiles, que les relations entre les
chasseurs et les ministres en charge de la protection de la nature et de
l’environnement l’ont été aussi. Surtout s’ils étaient de sexe féminin.
Il est frappant de constater que dans les ouvrages qu’ils ont rédigé
après leur passage au ministère, monsieur Poujade, madame Bouchardeau,
madame Lepage, madame Bachelot... ont fait état de pressions politiques
extravagantes liées à la chasse. Je constate pour ma part avoir dû
consacrer à ce sujet un temps et une énergie disproportionnés par rapport
à d’autres enjeux de notre société.

Vous me permettrez pour conclure de faire état de deux remarques.
La première concerne l’organisation de la chasse. Je regrette que dans le
gouvernement au sein duquel j’ai été ministre de l’Aménagement du
territoire et de l’Environnement nous n’ayons pas su tenir compte des
recommandations de la Cour des comptes en l’an 2000.
L’organisation actuelle de la chasse est calée sur un système mis en
place en 1941 : une fédération par département, obligation d’adhésion et
de cotisation à
cette seule fédération, ce qui est exorbitant par rapport au statut
général des associations établi sur le principe de libre adhésion.

La Cour des comptes précisait en mars 2000 que l’État devait choisir
entre une organisation de la chasse fondée sur la libre adhésion et la
libre cotisation, comme c’était le cas avant 1941, ou sur le maintien du
système actuel mais un contrôle strict de l’utilisation des fonds
récoltés pour éviter les dérives constatées.

Le gouvernement auquel j’ai appartenu a choisi de maintenir le statu quo,
aujourd’hui, je le regrette.

J’ai également un autre regret. Que vous ayiez choisi de revenir au vote
censitaire concernant l’élection des responsables de la chasse.
Je ne comprends toujours pas que vous vous soyez sentis à ce point
menacés par l’expression démocratique du chasseur que vous prétendez
représenter
alors que cette prudence, cette méfiance, tranche curieusement avec la
confiance manifestée à l’égard de lobbyistes rémunérés tour à tour par
diverses forces politiques et constamment par vous.
’’Huées.’’

D’un point de vue général, - /en désignant Thierry Coste/ mais il vous
coûte cher monsieur Coste, vous le savez quand même ! -, d’un point de
vue général, je pense que la chasse peut avoir un avenir, pour peu que
les organisations cynégétiques acceptent le dialogue et le partenariat
avec d’autres associations d’usagers, comme cela se fait d’ailleurs dans
d’autres pays européens.

Je n’ai qu’un regret, c’est que l’espace de dialogue que nous avions
essayé de créer à l’occasion des discussions préalables au vote de la
loi chasse de ’98 n’ait pas été exploité. C’est ce qu’avait fait dans un
contexte différent Michel D’Ornano en 79-80. L’essai de 98 n’a pas été
concluant, non pas du fait des associations de protection de la nature,
mais du fait de certaines organisations cynégétiques ˆ pas toutes !
certains souhaitaient sérieusement ce dialogue. Beaucoup sont venus dans
mon bureau m’expliquer que c’était de la faute des autres s’il n’avait
pas pu avoir lieu, beaucoup m’ont expliqué que si on changeait les
responsables de la chasse, ça pourrait se passer autrement.

Je constate qu’il s’est dit beaucoup de choses dans mon bureau, qui n’ont
pas trouvé leur concrétisation à l’extérieur.
Quelques années plus tard, je veux vous dire les choses clairement, je
n’ai pas peur.
Et quand je reviendrai en responsabilité, méfiez-vous ! ’’/Gros
sifflets/.’’
Méfiez-vous, parce que non seulement les ministres de l’environnement
sont candidats aux présidentielles mais ils sont parfois
élus ! Madame Merkel a été ministre de l’environnement, monsieur Socrates
au Portugal est Premier ministre, je pense que nous aurons
l’occasion de nous revoir, à ce moment-là, j’en suis absolument certaine,
vous apprécierez mon franc-parler
 !