Grippe aviaire et confinement

, par  Marie-Odile NOVELLI , popularité : 0%

GRIPPE AVIAIRE : Le confinement est-il une solution ?

I. GRIPPE AVIAIRE : Le confinement est-il une solution ?
 

Pas sûr... La contamination, dans une exploitation de l’ Ain, en Rhône-Alpes, l’an dernier, a justement eu lieu en milieu confiné, pas dans un élevage à l’air libre.
La promiscuité favorise évidemment la contagion.
L’absence de conditions propices à un bon développement (exercice à l’air libre, lumière...) fragilise les poulets.
 Constat sans surprise. Pour les humains aussi, les conditions de vie sont essentielles. La tuberculose a essentiellement été éradiquée par des dispositions sanitaires (lutte contre l’insalubrité, recherche de l’ensoleillement....) et l’évolution du niveau de vie, de l’alimentation.

Il est probable que l’on aurait pu enrayer ou considérablement freiner la progression de l’épidémie si
les pays occidentaux avaient accepté de mettre les moyens nécessaires lors du déclenchement en Asie.

Mais il y a plus grave : la question cruciale pour le GRAIN(*) et certains chercheurs est de savoir "pourquoi les gouvernements et les agences internationales, comme l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), ne font rien pour enquêter sur la manière dont les fermes industrielles et leurs sous-produits, tels que l’alimentation animale et le fumier, propagent le virus."
 Au lieu de cela, ils se servent de la crise comme une occasion d’industrialiser davantage le secteur avicole.
En grande Bretagne récemment, le virus aurait suivi la "route commerciale" dont il est question plus loin dans l’article. Ce qui met encore en doute la théorie des oiseaux migrateurs. L’entreprise aurait pratiqué , contrairement à ce qu’elle avait affirmé, des importations de filiales des pays de l’ Est. (source le Canard enchainé).

Marie Odile NOVELLI

NB : voir aussi intervention des Verts au Conseil Régional, rubrique environnement-Conseil Régional- de ce site.

Communiqué de presse du GRAIN

Le rôle central de l’industrie de la volaille dans la crise de la grippe aviaire.
GRAIN Février 2006

 Communiqué de presse (2 mars 2006)

Ce n’est pas la volaille de basse-cour ou la volaille élevée en plein air qui alimente la vague actuelle de cas de grippe aviaire sévissant dans plusieurs endroits du monde. La souche mortelle H5N1 de la grippe aviaire est essentiellement un problème de pratiques d’élevage de volaille industrielles. Son épicentre se trouve dans les fermes d’élevage industriel de Chine et d’Asie du sud-est et — alors que les oiseaux sauvages peuvent transporter la maladie, au moins sur de courtes distances — son vecteur principal est l’industrie avicole multinationale extrêmement automatisée qui envoie ses produits et les déchets de ses élevages autour du monde par une multitude de canaux. Les petits éleveurs de volaille et la diversité biologique ainsi que la sécurité alimentaire locale qu’ils soutiennent souffrent pourtant sévèrement des retombées de cette crise. Et, pour aggraver les choses, les gouvernements et les organismes internationaux, suivant les hypothèses éronnées sur la manière dont la maladie se répand et s’amplifie, continuent à prendre des mesures pour imposer le confinement et poussent à industrialiser davantage le secteur avicole. Dans la pratique, ceci signifie la fin de l’aviculture à petite échelle qui fournit la nourriture et les moyens d’existence à des centaines de millions de familles à travers le monde. Cet article apporte une nouvelle perspective sur l’histoire de la grippe aviaire qui conteste les hypothèses actuelles et remet les projecteurs là où ils devraient être : sur l’industrie multinationale de la volaille.

 

II. LA GRIPPE AVIAIRE : Petite note de vulgarisation, printemps 05, par MC Blandin

sénatrice Verte (et professeur de sciences de la vie et de la terre)

 

Rappel : parmi les microbes qui nous entourent avec lesquels nous vivons en harmonie, se glissent des bactéries et des virus responsables de maladies. La grippe est causée par un virus, susceptible d’être évité par un vaccin, mais insensible aux antibiotiques.

 
Chaque année, un nouveau type de virus grippal peut apparaître, un vaccin spécifique est nécessaire.

 
Un nouveau virus peut être le mutant d’un précédent (fréquent) ou la recombinaison génétique d’éléments d’un virus d’oiseaux et d’un virus humain (ceci est rare, mais les risques pour l’homme existent car la contamination pourrait se faire d’oiseau à oiseau, d’oiseau à homme, d’homme à homme).

 

SPECIFICITE DE CETTE GRIPPE AVIAIRE

 
 Depuis plusieurs années, on a repéré en Orient un virus très actif H5N1 : il tue les poulets, les canards en sont porteurs, les fientes le répandent. Les élevages intensifs le favorisent. Ce virus est le virus de la grippe aviaire.

 Des contaminations sont avérées, avec franchissement de la barrière des espèces d’oiseaux à hommes. Certains en sont morts. Certains s’en sont sortis.

 
 Le doute existe bien mais, à ce jour, aucune preuve de contamination homme-homme n’est avérée (il s’agissait de membres de familles tous au contact étroit des élevages). Si c’était le cas, une pandémie pourrait débuter.

 
 Les souvenirs des épidémies passées : 1918 (grippe espagnole : 40 millions de morts), 1948 (4 millions), 1968 (2 millions) nous alertent et présagent des cycles épidémiques.

 Les décès de 1918 furent accrus par la mobilité des troupes, et le mauvais état sanitaire des populations.

 On soupçonne, aujourd’hui, le virus de 1918 d’être un virus d’origine aviaire.

 
 Les mouvements sur la planète (les migrateurs, certes pour le virus aviaire, mais aussi les voyageurs en avion si virus humain), l’existence de nombreux élevages aviaires, leur proximité avec des porcheries, et plus globalement la disparition progressive de la biodiversité (les cochons, tous cousins, peuvent servir d’incubateurs pour la recombinaison génétique), tous ces facteurs multiplient les risques épidémiques. Notre système de soins tente de mettre en oeuvre la veille sanitaire et l’anticipation que justifie le principe de précaution. La mise en oeuvre de ces moyens n’est pas à confondre avec la certitude que nous sommes à l’aube d’une pandémie imminente.

 
 
 
 
s’Y PREPARER, l’EVITER

 
 La FAO (Food and Agriculture Organization) et l’OIE (Organisation mondiale de la santé animale, site : www.oie.int/fr/publicat/) recommandent des actions de solidarité permettant la vaccination des élevages en Orient (il faut au passage résoudre la compatibilité de cet acte avec la vente de la viande, il en va de la suffisance en protéines, et de l’économie de millions de personnes.

 L’abattage de 1,5 millions de poulets et de canards à Hong Kong a enrayé l’épidémie... mais laisse les marches exsangues. En Indonésie, un vendeur sur 5 a perdu son emploi.

 
 l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) recommande aux pays la préparation de plans d’action où figurent médicaments, vaccins, masques et gestion de la crise.

 
 En France :

 
- La culture d’évitement de la contagion s’est étiolée depuis la découverte des antibiotiques dont on a cru trop longtemps qu’ils éradiqueraient les pathologies : nos hôpitaux n’ont plus de pavillons des contagieux, les circuits de circulations y sont mixtes. Des pratiques individuelles de base (culture pastorienne hygiéniste) ne sont plus apparues chez les gens comme indispensables (lavage des mains, prohibition des crachats, protection de la toux, etc ....).

 
- l’AFSSA (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments) est saisie pour suivre au plus près l’identification des cas animaux suspects (Roumanie par exemple) et prévoir des mesures pour nos élevages.

 
- Les oiseaux exotiques mis en quarantaine à leur arrivée sont testés auprès de poulets.

 
- Les mouvements de migrateurs sont surveillés.

 
- les vaccins sont commandés à un grand laboratoire (ROCHE) mais non fabricables à ce jour, car le virus redouté n’existe pas encore. Tout au plus a-t-on étudié la culture de son proche parent, le H5N1, dans l’attente du mutant de la grippe aviaire.

 Si l’épidémie apparaît, il faudra au moins 4 mois pour mettre au point le vaccin et le fournir en grande quantité. Les capacités de production sont accrues mais encore trop limitées, et il faut les accroître pour fournir les populations du Sud, les questions de coût et d’accès à ce vaccin sont également à l’ordre du jour.

 
- des médicaments sont achetés, et de grandes quantités commandées (13 millions de traitements). Les réserves banales des pharmacies ont été épuisées par des achats individualistes peu citoyens : aujourd’hui cet antiviral (Tamiflu) est nécessaire aux soins de personnes fragiles ou âgées victimes de grippe banale et il y a rupture de stock !

 
- des masques sont fabriqués et stockés (on passe de 50 a 200 millions) pour infirmiers et médecins (remarque : il faut en changer plusieurs fois par jour. Le type FFP2 correspond à un usage professionnel).

 A savoir qu’un masque " maison " tissu serre + kleenex, élastique ralentit considérablement le risque de contamination.

 Humide, un tissu peut se stériliser au micro-ondes.

 
- un plan grippe aviaire inspiré par le Ministère de la Santé et le Ministère de la Défense est consultable sur Internet :

 sante.gouv.fr/htm/dossiers/grippe/
pandemiegrippale_plan.pdf

 
 Vous y trouverez l’architecture institutionnelle et les responsabilités de chacun, le phasage selon le degré de risques, la prise en charge médicale.

 Si quelques chambres d’isolements sécurisées existent dans les hôpitaux, elles sont pour la plupart assez mal situées (sauf à Tourcoing). De toute manière en cas de pandémie, c’est à domicile que seront pris en charge les patients.

 Un point de faiblesse reste l’architecture hospitalière qui accueille sans séparation les contagieux et les autres.

 Un autre point faible est l’élaboration du plan et de ses déclinaisons, en partie tenues par le secret défense, qui ont été privées des enrichissements qu’auraient pu apporter les élus locaux et les acteurs de terrain.

 Par exemple, on réquisitionne médecins et infirmiers et on ferme les écoles ... et que fait le personnel médical qui a des enfants en bas âge ?

 Le plan envisage de faire assurer la garde des enfants par les étudiants des Universités fermées ... soit mais on compte sur les maires pour gérer l’offre et la demande et on oublie de les associer a cette réflexion.
 Le plan prévoit que les malades seront confinés et soignés chez eux.

 Sur le plan local, cela doit aussi s’organiser

 
 Il sera judicieux, par ailleurs, de mobiliser les personnels médicaux, aides soignants, pour qu’ils se vaccinent le temps venu. Il faut savoir qu’aujourd’hui moins d’un médecin généraliste sur deux se vaccine contre la grippe. Le taux est encore moindre pour ce qui concerne la vaccination à l’hépatite B alors que cette vaccination est strictement demandée par le Code de la Santé publique.

 Ce pré-requis étant faible, il faudra accroître la capacité du corps médical à reprendre en compte les schémas d’organisation prévus en cas de pandémie (ces dispositifs sont gérés par la Défense).

 
 Comme beaucoup de pays, la France se prépare, mais n’est pas prête.

 Transparence et précaution sont néanmoins amorcées. La prévention ou la résistance à une pandémie seront autant citoyennes que médicamenteuses.

2. Jacques Diouf, directeur général de la FAO, rappelle que, si la crise aviaire a débuté fin 2003, les pays riches n’ont réagi qu’une fois le virus à leur porte.

H5N1 : "Les Etats ont péché par manque de solidarité"

extrait de l’article de
Christian LOSSON
QUOTIDIEN : lundi 06 mars 2006

Jacques Diouf est directeur général de la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, en première ligne dans la lutte contre la grippe aviaire. Pour Libération, il revient sur l’histoire d’une crise sanitaire annoncée. Et très mal anticipée.

Les institutions ont-elles tardé à prendre les mesures qui s’imposaient face à la grippe aviaire ?

Ce sont surtout les Etats qui ont péché par manque d’anticipation et de solidarité. On est incapable de tirer les leçons du passé. La crise aviaire a vraiment commencé en décembre 2003. Dès février 2004, la FAO a injecté 5,5 millions de dollars sur ses fonds propres pour tenter d’aider la Thaïlande, le Viêt Nam et la Chine. Dans la foulée, on est aussi intervenu dans sept autres pays - jusqu’aux Philippines - pour tenter de circonscrire l’epizootie, avec l’OIE (Organisation mondiale de la santé animale) et l’OMS (Organisation mondiale de la santé). Les résultats ont été assez probants puisque le développement du virus a, en grande partie, été enrayé. On a alors tenté d’alerter la communauté internationale. "Mettons le paquet maintenant pour circonscrire l’épidémie !" lui disait-on. A l’époque, on avait tous les atouts en main. On pouvait éliminer rapidement la volaille contaminée, discuter du choix de vacciner ou non, mettre en place des centres de référence, renforcer les services vétérinaires...

Et que s’est-il passé ?

Les pays développés ont pensé que cela se passait en Asie, que tout cela était très loin et que l’on exagérait les risques d’epidemie. Mais le virus est passé des poulets aux oiseaux sauvages, puis aux migrateurs, et la grippe aviaire s’est retrouvée au Kazakhstan, en Russie. Très vite, on a dégagé 2 millions de dollars pour le Moyen-Orient et l’Afrique, afin de sensibiliser les autorités politiques. Et appelé à l’aide pour des fonds supplémentaires. Rien. Comme on le redoutait, la grippe aviaire a touche la Turquie, les Balkans, l’Afrique (au Nigeria) et l’Europe. Pendant ce temps, on était déjà
dans les Caraïbes, où l’on débloquait encore 2 millions de dollars pour anticiper la mondialisation de la grippe aviaire. On a multiplié les conférences pour tenter de lever des fonds. A Ottawa en 2005, puis à Genève dans la foulée et à Pékin début 2006. Les pays riches ont commence à bouger quand le virus est arrivé en Turquie. Avant, on demandait, avec l’OMS et l’OIE, 430 millions de dollars pour effectuer une véritable politique de prévention. On n’a même pas eu 30 millions de promesses ! A Pékin, on a demande 1,2 milliard de dollars, on nous a promis 1,9 milliard ! A ce jour, la FAO n’a reçu que... 16 millions.

La FAO n’est-elle pas prise de court par ces crises désormais planétaires ?

Des 1994, on a mis en branle un programme de lutte préventive contre les prédateurs, les maladies transfrontalières, avec un système de détection rapide, la mise en réseau de centres spécialisés, etc. Ca a marché, mais on n’en a pas parlé. Depuis 2000, on fait face à l’invasion acridienne au Soudan, la fièvre porcine africaine, la fièvre de la vallée du Rift (des moutons et des boeufs)... Mais quand les criquets ont envahi la Mauritanie, les fonds ont cruellement manqué. Cette invasion a été terrible. Des essaims de 72 kilomètres, un traitement de 11 millions d’hectares, sans parler des dégâts collatéraux. Quand la grippe aviaire est arrivée, on a lancé aux Etats : "Ne soyez pas aussi passifs qu’en Afrique face à l’invasion de criquets !" Tout au long de l’année ou l’on poussait des cris d’alarme, on nous avait affecté 2 millions de dollars, avant de débloquer 55 millions en catastrophe une fois la crise arrivée.

Comment lutter contre la diffusion du H5N1 ?

Renforcer les services vétérinaires dans les pays les plus démunis, multiplier le développement de labos de détection, travailler sur des vaccins plus simples à administrer et moins coûteux, assurer une surveillance des points d’eau et des zones de transit des oiseaux migrateurs. Indemniser les paysans les plus pauvres, sinon les gens cachent leur volaille malade, sensibiliser les médias pour qu’ils informent précisément sur les risques. Tout cela tient du bon sens...

... qui n’a pas vraiment été la règle ?

Pas vraiment, non. Médias et autorités politiques ont plutôt relayé les messages de l’OMS sur la pandémie humaine, alors que notre discours, comme celui de l’OIE, n’a pas été entendu pendant près de deux ans ! Et les pays développés se sont tellement cristallisés sur les risques de pandémie qu’ils ont dépensé des milliards pour l’achat de médicaments ou de masques, au lieu de mettre le paquet pour enrayer l’epizootie, dont le développement peut entraîner la pandémie. Mettre l’accent sur les animaux plutôt que les humains aurait permis, de surcroît, d’éviter les tentations de psychose collective que l’on voit dans les pays développés. On a le sentiment que les ministres de la Santé ont été davantage en première ligne que les ministres de l’Agriculture ; cela aurait dû être l’inverse.

Etes-vous inquiet ?

Pour les pays les plus pauvres, oui. Le poulet y est souvent la seule source de protéines. D’ailleurs, si les tendances se maintiennent, le nombre de personnes qui souffrent de la faim dans le monde ne diminuera de 50 % qu’en 2150 et non en 2015, comme les objectifs du millénaire de l’ONU l’avaient fixé.

La grippe aviaire illustre-t-elle la crise de la mondialisation ?

Oui, en partie, parce qu’elle montre que derrière le discours sur le village global et planétaire, les réflexes nationaux l’emportent, l’égoïsme règne et la gouvernance mondiale fondée sur la solidarité tient du rêve.