Presse Journées été Europe écologie Nantes

, par  Marie-Odile NOVELLI , popularité : 0%

article Europe Ecologie : enfin mûrs ? ( Mediapart)

Europe Ecologie : enfin mûrs ? ( art. Mediapart)

22 Août 2010 Stéphane Alliès
Les Verts et Europe Ecologie (EE) font leur mue, comme mouvement unifié de l’écologie. Après deux ans d’existence et un long processus de réunion des deux entités issues du parti et des associatifs et personnalités de la société civile, les écologistes voient enfin le bout du tunnel et se sont mis d’accord sur l’essentiel. De la candidature d’Eva Joly pour 2012 à la structuration du parti-réseau, en passant par la prise de recul de Daniel Cohn-Bendit, les pistes de réflexion et le contrat de partenariat avec le PS. Retour sur les quatre enseignements des journées d’été de Nantes.

1. Une candidate déjà sur orbite pour 2012

Réglée en cinq jours de discussion entre la direction des Verts et les eurodéputés europécologistes juste avant les journées d’été, la candidature d’Eva Joly et le désistement de Cécile Duflot ont permis d’assurer une forte présence médiatique à Nantes. Pour son premier discours dans le costume de présidentiable, l’ancienne magistrate a fait court et plaidé pour « une écologie qui soit aussi une transformation éthique et de justice sociale ». Remerciement aux militants, réaction à l’actualité (pour dénoncer notamment le recul du gouvernement sur les salles de shoot, ou pour évoquer la réforme des retraites en proposant une réduction progressive du temps de travail en fonction de l’avancement de l’âge). Et quelques autres idées jetées par-ci par-là, notamment la possibilité d’octroyer une carte de séjour de dix ans pour les travailleurs saisonniers étrangers.

« Le but n’était pas de se lancer dans un grand discours de politique générale, c’est quand même dans deux ans ! », tempère Yannick Jadot, qui devrait coordonner la campagne. L’ex-directeur des campagnes de Greenpeace prend déjà son futur rôle à cœur et, avec d’autres, a vite alerté Eva Joly de la maladresse introduisant son discours (où elle a raillé des journalistes pourtant peu critiques à son endroit). Et l’eurodéputée de venir présenter des excuses à chaque média quelques minutes après. 

Pour une grande majorité des 2.000 militants présents au cours des trois jours de débats, l’investiture par applaudimètre de Joly a été très bien accueillie, même si certains lui reprochent de ne pas être viscéralement écologiste ( HYPERLINK "http://www.mediapart.fr/club/blog/claude-marie-vadrot/200810/lete-des-ecologistes-une-candidature-un-peu-trop-joly" \o "Sur son blog dans Mediapart" lire le billet de Claude-Marie Vadrot), et que le député Vert Yves Cochet n’entend pour l’heure pas renoncer à sa candidature à la candidature. Eva Joly elle-même ayant souhaité à la tribune que des primaires puissent départager les prétendants, celles-ci ne sont pas franchement à l’ordre du jour, et ne devraient concerner que les adhérents du futur mouvement unifié Verts/Europe Ecologie, sur le modèle du PS en 2006. « Ça permet de pouvoir laisser la porte ouverte à Nicolas Hulot ou Corinne Lepage, estime le délégué général d’EE Pascal Durand. On verra en temps voulu s’il y aura lieu de les faire, mais il faudra les voir comme une façon d’enrichir Eva de propositions diverses, notamment de la part de ceux qui ne la considèrent pas comme suffisamment écolo. » Si elles se faisaient, un consensus s’est déjà porté pour les organiser avant celles du PS, prévues en novembre 2011.

Quoi qu’il en soit, Eva Joly semble prête pour en découdre. Au point de bluffer le n°2 des Verts, Jean-Vincent Placé, pourtant souvent revenu de tout et jusque-là davantage partisan d’une candidature de Cécile Duflot, qui se dit « complètement scotché par la stature et la détermination » affichées par la Franco-Norvégienne. De son côté, Yannick Jadot pense déjà terrain : « Elle n’a pas besoin de se griller en faisant plein de discours. Elle a un an pour labourer la France. L’idée, c’est qu’elle puisse ensuite faire le même type d’intervention que jeudi, quand elle racontait l’histoire de l’Islande (où elle a été conseillère du gouvernement). Mais à la place de l’Islande, il faudra raconter Laval ou Marseille… »


Le député François de Rugy estime désormais « tout à fait jouable de franchir le cap des 10% à la présidentielle, un truc qui n’est jamais arrivé. Pour l’instant, le record c’est 5% (Noël Mamère en 2002), il ne faut pas l’oublier. Avec Eva, on continue à ne pas se cantonner à l’électorat écolo stricto sensu ». Il se dit « impatient et curieux de voir les débats télévisés, car elle est complètement décalée par rapport aux profils types de politiques français, soit grande gueule populiste, soit homme d’Etat ».
 

Daniel Cohn-Bendit aura traîné son malaise durant toutes les journées d’été, qu’il a participé à troubler en ressassant son insatisfaction de ne pas être parvenu à les modeler comme il l’entendait. Avec l’avènement prochain du nouveau parti écolo, une page se tourne sans qu’il ne l’ait vraiment décidé, et ce sentiment d’être d’un coup hors du jeu semble avoir atteint le trublion artisan du renouveau de l’écologie politique en France. Irrité par les cadres Verts, dont il n’a pas supporté les réactions virulentes à sa proposition de débat finalement annulé avec Rama Yade, il n’entend plus ferrailler contre ceux qu’il accuse de verrouiller l’opération de dépassement du parti actuel. « Le problème, c’est que Dany a voulu continuer le duel, mais qu’il est désormais tout seul sur le pré avec son fleuret », persifle son meilleur ennemi interne Jean-Vincent Placé.

Ses proches ont beau assurer que se cache derrière son amertume un brin nostalgique devant le temps qui passe « de vraies divergences de fond, par exemple sur le périmètre du rassemblement écolo qui doit s’ouvrir au centre ». Un entourage tout autant être décontenancé par le « blues » du coprésident du groupe Vert européen : « Il y a une réalité des organisations dont il n’a plus envie de s’accommoder, explique son représentant au bureau exécutif, André Gattolin. L’affrontement et le coup de gueule sont aussi liés aux cultures respectives de chacun. Mais l’important, c’est qu’il y ait consensus pour ne pas créer de points de blocage et de toujours continuer à avancer. »

Vendredi soir, après une heure de franche explication avec Cécile Duflot, « Dany » a retrouvé sa verve, au moment de conclure la « réunion plénière » avec l’ensemble des partis partenaires, du Front de gauche à Corinne Lepage. Comme transcendé par l’applaudimètre revenu, il a redit sa vision fondamentale d’Europe Ecologie : « Pour une partie des électeurs, la gauche et la droite veulent dire quelque chose. Mais pour une autre partie, ça ne veut rien dire, et c’est bien notre problème à gauche. C’est par le dialogue ouvert qu’on arrivera à faire venir à nous les représentants du centre comme de l’extrême gauche. »

Devait-on voir à ce moment une sorte de testament politique de Cohn-Bendit, animé par la tentation de Bruxelles ? « Non, Dany en a un peu ras-le-bol de l’organisation en tant que telle, mais il sera bien évidemment présent aux côtés d’Eva lors de la présidentielle », certifie sans crainte Yannick Jadot.

Après plus d’un an de réflexion interne (entamée aux journées d’été de Nîmes), avec l’ambition de créer « l’organisation politique du XXIe siècle », le tant attendu parti-réseau verra le jour les 13 et 14 novembre, à Lyon. D’ici là, les Verts adopteront par référendum leur dissolution dans le nouveau mouvement, qui devrait aussi changer de nom. Au final, on a surtout droit à un parti classique, même si devraient être adjoints à l’appareil des collèges permettant d’associer à la réflexion et à la conduite du mouvement des représentants associatifs et « éco-syndicalistes », ainsi que des « partis-potentiellement-frères » (Cap21, Fase, Objecteurs de croissance…).

Si, pour l’instant, on n’est assuré officiellement que de la présence de Cécile Duflot en tant que secrétaire nationale, l’organigramme de la future direction se dessine, sur fond de querelles picrocholines. Jean-Paul Besset devrait être président, afin de symboliser la « direction partagée » entre Verts et non-Verts et faire disparaître un clivage dont plus personne ne veut entendre parler. Les deux porte-parole ne sont en revanche pas encore connus (même si Yannick Jadot devrait en être et que le nom de Dominique Voynet a un temps été envisagé). A peu de choses près, les dirigeants actuels d’Europe Ecologie/Les Verts devraient être conservés. Mais si quelques détails restent encore à régler, le diable n’est jamais loin dans la « détaillologie écologiste ».

Ainsi les prochains jours devraient tendre l’ambiance, au sujet de la possibilité ou non du vote électronique pour que les militants puissent ratifier les grands principes et la proposition de direction. Pour les responsables Verts, c’est « niet » et ça n’est pas négociable. Pour les « europécologistes », c’est impératif et pas négociable non plus. « On comprend bien l’intérêt de conserver les vieilles pratiques, car il est facile de contrôler une AG, fulmine Pascal Durand. Mais on ne cherche pas à faire disparaître ces vieilles pratiques, seulement en ajouter d’autres, plus modernes et qui permettent à chacun de pouvoir s’investir, où qu’il soit et quel que soit son niveau d’engagement. » Et l’eurodéputée Sandrine Bélier de renchérir : « On ne peut pas dire que la société du Net et les libertés publiques et les nouvelles générations seront parmi les enjeux de 2012 et refuser le vote par internet. Il faut pouvoir se donner les moyens d’une adoption de nos textes à 90% de participation ! »

Autre point de discorde, le cumul possible entre un poste de parlementaire et un poste à la direction. Son interdiction est un fondamental de la culture des Verts, qui devrait disparaître avec l’aval de la direction, mais qui pourrait faire râler de nombreux militants, au nom de la lutte contre la concentration et la conservation des pouvoirs. « Il faut arrêter avec ça, balaye Yannick Jadot, aujourd’hui un député ou un parlementaire européen dans l’opposition a moins de pouvoir qu’un vice-président de région. On a quand même prouvé qu’on était attachés à faire émerger de nouvelles têtes ».

Engagée lors de ces journées d’été, la discussion sur le projet écologique pour la présidentielle devrait durer jusqu’à la fin du premier semestre 2011. Les premières pistes dévoilées laissent entrevoir une priorité accordée à la diminution de l’empreinte écologique dans l’agriculture, la relocalisation de l’économie et sa conversion aux énergies renouvelables et à la réduction de la consommation (avec l’idée de développer un savoir-faire technologique exportable ou d’un plan Marshall de la précarité énergétique). Ou encore une grande réforme démocratique, l’établissement d’une tranche d’imposition sur les très hauts salaires et la lutte contre l’évasion fiscale. Plus généralement, l’emploi répété du terme « écologie politique républicaine » est un virage, auquel il faudra encore donner du sens, les Verts n’ayant jusqu’ici rien de républicain dans leur ligne programmatique.

Le second semestre 2011 devrait ensuite être consacré à la négociation avec le PS et le Front de gauche d’un contrat de partenariat, évoqué lors d’une « assemblée plénière » ayant réuni tous les partis de gauche et Corinne Lepage. Du point de vue écolo, il devrait porter sur une vingtaine de propositions communes. Avec le désir de discuter d’une VIe République, de l’organisation d’un grand débat public sur une sortie planifiée du nucléaire, ou encore de politiques migratoires.

Pour autant, la question de savoir si ce contrat serait rendu public avant le premier tour n’emporte pas l’unanimité chez les dirigeants écolos, posant problème sur la façon de faire campagne. « Il faudrait faire de grandes assises de la transformation écologique et sociale, sur le modèle des Assises organisées par Cambadélis en 1994 (et qui avaient préfiguré la gauche plurielle) », estime Jean-Vincent Placé. Reste la question de l’accord électoral aux législatives, tout le monde semblant s’accorder pour l’heure sur la revendication d’une cinquantaine de députés pour le futur mouvement écologique.

Enfin, une fondation de l’écologie politique devrait voir le jour d’ici la fin de l’année, sous l’égide de Jean-Paul Besset. Son conseil scientifique est d’ores et déjà constitué. On y retrouve les philosophes Dominique Méda, Catherine Larrère, Patrick Viveret, le sondeur d’Opinion Way Denis Pingaud, les haut-fonctionnaires Yves Martin (désormais à la retraite) et Lucile Schmidt. Indépendante financièrement et politiquement du nouveau mouvement écolo, elle aura pour objet d’être son « bras intellectuel », via des publications d’une revue et d’ouvrages, et l’organisation de colloques.

[Le PS se dit tout à fait tranquille face