J’ai lu "le fils et son père" de Moussa Nabati

, par  Marie-Odile NOVELLI , popularité : 0%

J’ai aimé "le fils et son père, un lien tissé par la mère" de Moussa Nabati, psychanalyste et thérapeute (poche) un livre passionnant, qui utilise la relecture de mythes ( Icard et Dédale, Oedipe et Laïos, Isaac et Abraham) pour mieux comprendre l’aventure parentale dans le monde d’aujourd’hui.


Fin Aout j’ai lu
"le fils et son père, un lien tissé par la mère" de Moussa Nabati,

psychanalyste et thérapeute.
C’ est un livre passionnant (poche) qui utilise la relecture de mythes ( Icard et Dédale, Oedipe et Laïos, Isaac et Abraham) pour mieux comprendre l’aventure parentale dans le monde d’aujourd’hui.

Au passage on y glane une autre interprétation du mythe d’oedipe, une affirmation de la nécessité des limites et de la lutte contre la démesure, une réflexion sur le rôle du père, de la mère, et de la dépression comme épreuve mais aussi chance de grandir.

Le sacrifice d’Oedipe selon Moussa Nabati, une re-lecture socialement et psychanalitiquement pertinente aujourd"hui

Extraits (pour ceux qui en veulent plus) :

"j’ai essayé de montrer à travers une nouvelle lecture , la possibilité d’une interprétation différente de la tragédie Oedipienne, située dans la globalité des évènements et surtout non réduite à une ou deux de ses séquences.
Son thème principal gravite, il me semble, autour des dangers de la toute puissance, de la démesure plus exactement, suivant le mot de Sophocle,lui-même, à savoir, en langage psychanalytique, l’aspiration à cumuler les opposés comme chez Dédale en confondant les places et les générations, les places symboliques et les fonctions."

On pourra faire le lien avec notre 21ème siècle.

"Dans cette optique, ce qui arrive à Oedipe, totalement en dehors de sa conscience et de sa volonté, ce qu’il subit en réalité, est le châtiment des fautes paternelles.
" Il représente ainsi, à l’exacte image d’Icard, un enfant scarifié, un pharmacos innocent, expurgeant, tel un buvard, les salissures, la perversion de son père, sa culpabilité. il n’est que le symptôme de Laïos, son refoulé(…) son ombre, son symptôme (…) puni à la place de Laïos, coupable d’avoir confondu ce qui aurait du être soigneusement différencié."
On pourrait aussi dire qu’il représente l’inconscient de son père, ou l’inconscient collectif.

Pour mieux comprendre, je viens de rédiger un bref résumé du mythe d’Oedipe de Sophocle repris par Moussa Nabati :

Oedipe est chassé par son père Laïos alors qu’il n’a que 3 jours, et livré en pâture aux bêtes féroces sur le mont Cithéron , sans que sa mère n’intercède vraiment. (Absence parentale, maltraitante , voilà qui nous écarte du complexe d’Oedipe selon Freud !)
Qui est le père Laïos, ? Laiös dans la tragédie de Sophocle est lui aussi privé de père : il est orphelin depuis l’âge d’un an, et probablement aussi privé de mère. Il est écarté par ailleurs du pouvoir par son grand-oncle.
Il cherche refuge ailleurs, plus précisément il trouve asile auprès du roi Pélops qui lui confie son fils Chrysippos. Mais Laiös, pervers sans limites, le viole.
Et Chrysippos se suicide. Laïos cesse donc d’être le fils spirituel de Pélops, il "ne sera ainsi jamais un fils" et donc "jamais un père" nous dit Moussa Nabati car pour être père dit le psychanalyste, il faut avoir été fils. Il devient en somme un mort vivant. Un peu plus tard, il récupère son trône à Thèbes à la mort d’Amphion et épouse Jocaste, jeune vierge de 13 ans.
L’oracle de Delphes lui apprend alors qu’il sera puni pour avoir violé Chrysippos et que s’il a un fils, celui ci épousera sa mère et le tuera. Laïos se refuse à faire l’amour avec sa femme (peut -etre aussi n’aimait il pas les femmes) mais celle ci lasse d’attendre le fait boire, et s’accouple à lui pendant qu’il dort ( parait -il) … La suite, c’est donc la volonté de tuer son fils.
La tragédie débute par un infanticide, et non par un parricide.
Oedipe est aussi quelque peu un mort vivant, un survivant.
Oedipe devait mourir mais il est sauveé(par un berger ) et finalement adopté, par Plybos et Méropé à Corinthe. Sans que ses nouveaux parents ne lui disent la vérité. Mais néanmoins Oedipe apprend lui aussi le destin qui l’attend, et croit que cela s’applique à ses parents adoptifs, qu’il connait seuls, et décide de partir…

C’est en chemin, qu’agressé par Laiös son vrai père, il le tue sans le connaitre.
Il délivre dans la foulée Thèbes du malheur, en résolvant l’énigme du Sphinx ou plutôt de la sphinge (mi femme mi animal), et se marie avec Jocaste, (puisque le héros libérateur devait épouser la reine).
- La fin de l’histoire d’oedipe :
18 ans après, une terrible épidémie s’abat sur Thèbes . Et à nouveau l’oracle se fait connaitre. Il y faut l’instance d’Oedipe, la venue d’un Corinthien lui annonçant la mort de Polybos et la révélation que ce dernier n’était pas son vrai père, plus les questions qu’il pose à Jocaste sa "femme mère", pour qu’enfin la vérité soit nue.
Jocaste se suicide.
Oedipe se crève les yeux, sa cécité le rend clairvoyant, il parcourera le monde avec sa fille Antigone. Il perdra ses fils qui mourront.
Sophocle souligne l’inutilité de fuir son destin, de fuir le nécessaire sacrifice.

Mais c’est quoi, le sacrifice ? C’est peut - être le mythe d’Abraham qui nous donne - plus loin, la réponse.

L’énigme du Sphinx : nécessité des limites et de la lutte contre la démesure ?

A noter que dans l’énigme philosophique ("qu’est ce qui a 4 pattes le matin, deux pattes à midi et trois pattes le soir ?") selon Moussa Nabati, avoir moins est plus intéressant : être un nourrisson à 4 pattes ou un vieillard à trois pattes est moins un privilège qu’être un humain adulte à 2 pattes.
Le mythe d’oedipe prônerait donc la limite, en lieu et place de la démesure. "Etre soi suppose de ne pas être tout." renoncer aussi à la perfection, à l’androgynie". Ou, comme dans nos société publiphile, au gavage consommatoire qui nous consomme.
" La demesure enfante le tyran, écrit Sophocle, qui poursuit : " Lorsque la demesure s’est gavées follement, et qu’elle est monté au plus haut, la voilà soudain qui s’abime en précipice fatal. "

Une relecture d’Oedipe, réflexion sur le rôle du père

Pour Moussa Nabati, l’attirance du garçon pour sa mère reflète non une passion sexuelle mais "un moyen en s’engageant sur la rude aventure de la différenciation des sexes", de satisfaire son voeu de" bisexualité androgynes, "son rève d’appartenance aux deux sexes".
C’est la mère qui fait comprendre au fils qu’il n’est pas comme elle, le père qui "instruit" de la même manière la fille.

"Ce que l’enfant semble ressentir le plus vivement, c’est l’inconscient de son père"( Jung)

- Oedipe subit le châtiment des fautes paternelles. Il est puni à la place de Laïos, coupable d’avoir confondu ce qui aurait du être soigneusement différencié."

Quelle est la place du père ?

Les filles d’Eve ont elles supplanté les files d’Adam ? Dans le triangle Mère- fils- père, quelle est la place du père ? S’interroge l’auteur.

Le sacrifice d’ Abraham et Isaac :
Ce mythe moins tragique, puisqu’il s’agit d’un sacrifices non advenu, illustre pour l’auteur l’évolution du père qui prend sa place.
Extrait :
"Le sacrifié est à la fois Abraham" (enfin, l’Abraham immature) mais aussi " sarah, la matrice (par) la césure de la fusion possessive et incestueuse de la mère .
Ce qui est à immoler, c’est une certaine relation entre le père et l’enfant."
C’est un sacrifice symbolique, qui est aussi le premier acte d’indépendance d’Abraham soumis à sa femme.

Extraits du début du livre sur la place du père

"Tout va bien s’il reconnait son fils issu de lui mais différent et séparé, il ne cherche ni à l’exclure, hanté par des fantasmes de jalousie et de rivalité, ni à le materner, s’emparant abusivement de l’espace de la mère rendue inutile. Il ne tentera pas non plus de l’idolâtre, le hissant à une position de parent aimant. Il acceptera que sa mère puisse offrir à son fils une autre scène, en l’aimant différemment. En revanche, si le père échoue à occuper sa place dans le triangle, s’il la déserte en démissionnant psychologiquement ou s’il s’approprie illégitimement celle de la mère de l’enfant, alors les liens père -fils risquent d’en pâtir gravement.
Il y a aussi une lecture politique de la famille :"si l’un demissionne,au profit d’un autre, alors il risque de monopoliser tous les droits".

Place de la mere :
"Le père ne pourra aider son héritier à devenir un homme que s’il est lui même respecté , porté par l’amour dans le coeur de sa compagne qui doit elle aussi pourvoir jongler entre ses status de mère et de maitresse , sans en sacrifier aucun, ni en privilégier un par rapport à l’autre. Si une mère trop mère, en fusion avec son poussin, empèche celui ci d’arriver au père, en revanche une femme trop femme insuffisamment maternelle, détourne celui ci de sa fonction paternelle. Que le tiers exclu soit le père ou le fils, le triangle ne fonction plus sainement. Il s’agit entre le père et le fils d’une relation non pas duel mais triangulaire, et de même pour les relations filles -meres, le père doit occuper une fonction de médiation de premier plan.

"Voilà pourquoi il est important de revisiter le triangle de son enfance."

La possibilité pour le père d’édifier un triangle avec la participation de sa compagne et de son fils dépend de des aléas de son passé personnel, c’est à dire la place réelle et symbolique qu’il occupait lui même naguère dans le triangle de la famille ancienne, le fils qu’il était dans le coeur de ses géniteurs. Voilà pourquoi il est important de revisiter le triangle de son enfance, la manière dont le pouvoir y était exercé etc. (par ex. un fils maltraité pourra se montrer par soit franchement agressif, soit exagérément serviable par compensation de la tendresse dont il a été privé). Sortir de la confusion entre passé et présent, différenciation

Dépression, épreuve pour grander ?

Pour l’auteur, la dépression représente souvent, grâce à la souffrance qu’elle déclenche, une formidable occasion de renouvellement , une épreuve pour grandir.
Elle contient un sens et un message latent exhortant le sujet à os devenir soi, à s’aimer enfin et à s’occuper de lui m^me, en cessant de se sacrifier masochistement au profit des autres pour être reconnu et aimé.

Par l’histoire de couples celèbres, pères et fils : Icard et Dédale, Oedipe et Laïos, Isaac et Abraham, mythes traites "cliniquement", Moussa Nabati analyse les relations entre "le fils et son père, un lien tissé par la mère", nous fait réflechir sur les particularités de notre époque, nous incite à aller davantage au fond de nous même, nous propose , je trouve, de lier psychanalyse et politique.
MO.N