Banlieues : colloque regional : "les jeunes"

, par  Marie-Odile NOVELLI , popularité : 0%

JEUNES ET QUARTIERS :
ACTES DU COLLOQUE REGIONAL
" LES JEUNES, FORCES VIVES DE NOTRE SOCIETE " 6 JUILLET 2005
__________________________________
Introduction J.J. Qeyranne et M.O. Novelli

Journee Regionale de la Politique de la Ville
6 Juillet 2005

Les actes du colloque

" Les jeunes, force vive de notre societe "

I.PROGRAMME :

II. INTRODUCTIONS

III. ACTES DES ATELIERS.

I.PROGRAMME :


Allocution d’ouverture par
Jean Jack QUEYRANNE,

President du Conseil regional Rhone-Alpes, Depute du Rhne, Ancien Ministre.

Presentation du programme et des objectifs de la journee,
Marie-Odile
NOVELLI,

Vice-presidente du Conseil regional Rhone-Alpes, deleguee aux
solidarites, a la politique de la ville et au logement.

Interventions

" La renovation urbaine : prefiguration d’un nouveau mode d’intervention de
l’Etat dans les territoires ? "
Renaud EPSTEIN, Chercheur a l’ENS Cachan et au CNRS, groupe Analyse des
politiques publiques.

" Etat des lieux sur un quartier de l’agglomeration lyonnaise : des
trajectoires sociales diversifiees pour les jeunes de 20 a 29 ans. "
Emmanuelle SANTELLI, Chargee de recherche au CNRS, groupe de recherche sur
la socialisation.

Table ronde

Animee par Pascal BAVOUX,
Trajectoires-Reflex, avec
 :
Marie-Odile NOVELLI, Vice-presidente du Conseil regional Rhone-Alpes,
deleguee aux solidarites, a la politique de la ville et au logement,
Christiane DEMONTES , Vice-presidente deleguee aux formations
professionnelles, Marie-France VIEUX-MARCAUD, Vice-presidente deleguee aux
lycees et aux formations initiales, Katia PHILIPPE, Conseillere deleguee a
la jeunesse

Ateliers

Atelier numero1 : Favoriser l’acces a l’emploi des jeunes des territoires
fragilises

Anime par Myriam COMBET, Conseillere regionale, Vice-presidente de la
commission " Politique de la ville et logement ".

De l’initiative jeunes a la creation d’emploi
Gilles ROUSSELOT et Eric MONTE, association Cap Berriat
Diagnostic intercommunal de la reussite scolaire Nord-Isere
Karine LANCEMENT, Chef de projet et Gerard DEPLETTE, GREFFE 38
Une solution possible pour entreprendre autrement : la cooperative
d’entrepreneurs
Henry CACHAU, gerant d’Elycoop COP

Atelier numero2 : Structures et actions pour les 16-30 ans hors dispositif

Anime par Marianne ORY, Conseillere regionale, Presidente de la commission
" Politique de la ville et logement ".

l’insertion professionnelle des jeunes places sous main de justice
Guy DUBREZ, Directeur du GREP
Un espace jeunes : Semaphore a Mulhouse
Jacques LOSSON, Directeur
Etudiants et jeunes en insertion : accompagnement a la vie sociale
Delphine DAGUENET, Chargee de mission AFEV

Atelier numero3 : Espace de proximite et place des jeunes dans les territoires

Anime par Christiane FARIGOULE, Conseillere regionale, Vice-presidente de
la commission " Politique de la ville et logement ".

Sport dans la Ville
Philippe ODOU, Directeur
Initier son parcours residentiel : les jeunes, acteurs de leur recherche de
logement
Virginie TARDIEU, Coordinatrice des CLLAJ Rhone-Alpes
Collectif HIP-HOP Grenoble
Yann VIGNE et Mathieu BEYRIE, membres du collectif

Restitution des ateliers et echanges avec la salle

Restitution de l’atelier 1 par Christiane PUTHOD, Conseillere regionale
deleguee a l’emploi.

Restitution de l’atelier 2 par Marie-France VIEUX-MARCAUD, Vice-presidente
deleguee aux lycees et aux formations initiales.

Restitution de l’atelier 3 par Katia PHILIPPE, Conseillere regionale
deleguee a la Jeunesse.

Conclusion de la journee par Marie-Odile NOVELLI, Vice-presidente du
Conseil regional Rhone-Alpes, deleguee aux solidarites, a la politique de
la ville et au logement.

II. INTRODUCTIONS

Mediatises, supports d’image, cibles commerciales, les jeunes sont
aujourd’hui vecteurs de representations souvent reductrices et eloignees de
leurs realites quotidiennes. Ces realites, comme le parcours de chacun
d’entre eux, sont diverses et fonction de leur histoire personnelle, de
leur environnement socioculturel et du territoire dans lequel ils
grandissent.

Dans ce contexte, education, formation, emploi, logement et loisirs,
notamment, sont autant de questions auxquelles ils sont tous confrontes.
Dans ces domaines et pour les plus fragilises d’entre eux, quelles sont
leurs pratiques ? Quelles sont leurs aspirations ? Quelles difficultes
rencontrent-ils, voire quelle discrimination ? Quelles sont leurs
propositions et celles des partenaires publics ?

Cette Journee regionale de la Politique de la Ville permettra d’echanger
sur ces themes en presence des jeunes et d’acteurs des politiques pour la
jeunesse. l’ambition de notre Region est d’offrir aux jeunes dans toute
leur diversite, les conditions du meilleur epanouissement. Parallelement a
la renovation des batiments et des espaces publics, la Politique de la
Ville doit necessairement integrer les dimensions sociales et culturelles
de cette periode de la vie.

Un des enjeux majeurs consiste a accompagner les jeunes dans la mise en
oeuvre de leur quotidien et la construction de leur avenir. Cette journee
s’inscrit dans la demarche de la Region en faveur de la Politique de la
Ville, avec le double objectif de solidarite et d’egalite d’acces pour tous
les jeunes rhonalpins, forces vives de nos territoires et acteurs
determinants de leur developpement.

Allocution d’ouverture par Jean-Jack QUEYRANNE, President du Conseil
regional Rhone-Alpes, Depute du Rhne, Ancien Ministre

" Nous avons souhaite consacrer cette journee regionale " politique de la
ville ", la premiere de notre mandature, aux jeunes comme " force vive de
notre societe ". En effet, dans notre region Rhone-Alpes, les 16/25 ans
representent un poids significatif, avec plus de 750 000 jeunes, dont
220 000 lyceens et autant d’etudiants, dont 33 000 apprentis.

La Region Rhone-Alpes intervient de fait sur de nombreux aspects de la vie
quotidienne des jeunes, a la fois sur la formation initiale, la formation
professionnelle, la coordination du developpement economique et
l’amenagement du territoire.
Elle est egalement un partenaire privilegie des collectivites territoriales
dans des domaines comme le sport et la culture.
Au total, c’est ainsi plus de 10% de son budget que la Region consacre a la
jeunesse.
j’ai egalement souhaite que figure, au sein de notre executif, une
Delegation a la jeunesse. c’est pourquoi j’ai aujourd’hui a mes ctes Katia
Philippe, Conseillere deleguee de la Jeunesse, qui sillonne les territoires
de notre region a la rencontre des jeunes pour cerner leurs attentes, leurs
preoccupations et leurs besoins.
Enfin, les Delegations de l’executif sont
presque toutes impliquees dans
des actions en direction des jeunes. Marie-Odile Novelli, Vice-presidente
deleguee aux solidarites, a la politique de la ville et au logement, sera
votre guide pour cette journee.
Christiane De Montes, Vice-presidente deleguee aux formations
professionnelles vous accompagnera egalement, ainsi que Marie-France Vieux-
Marcaud, Vice-presidente deleguee aux lycees et aux formations initiales.
De nombreux Conseillers regionaux de la Commission chargee de la politique
de la ville et du logement sont aussi avec nous, dont sa presidente,
Marianne Ory.

La politique de la ville tient egalement une place toute particuliere dans
l’action de la Region, place acquise depuis un certain nombre d’annees, et
renforcee encore aujourd’hui par des mesures sur lesquelles je reviendrai.
Mais revenons d’abord sur quelques chiffres. La politique de la ville
concerne 244 quartiers en Rhone-Alpes et 800 000 habitants.
Au-dela de leurs caracteristiques urbaines, geographiques et sociales, ces
quartiers se distinguent par le poids tres important de la jeunesse qui y
reside puisqu’un tiers des habitants a moins de 25 ans. Cette jeunesse est
de fait plus exposee a des problemes d’orientation, de decrochage scolaire,
d’insertion et de chmage, de logement, et plus encore celle des quartiers
en contrat de ville proprement dit, au nombre de 180 environ.
Ces territoires concentrent plus de la moitie des logements locatifs
sociaux de l’agglomeration, et 60% des logements vacants s’y situent.
Ces quartiers accueillent une population qui represente 40% des personnes
de l’agglomeration qui percoivent le RMI, de meme que plus de la moitie des
allocataires de la Caisse d’Allocations Familiales a bas revenus avec au
moins deux enfants.
Enfin, plus de la moitie des jeunes de ces secteurs a un faible niveau de
formation et le quart est inscrit au chmage[1].
Cette situation souligne bien la precarite et les difficultes que peuvent
rencontrer ces jeunes dans leur parcours de vie et de formation,
difficultes qui provoquent l’inquietude, voire la demotivation et la
desillusion.

Or, si une jeunesse sans espoir temoigne d’une societe en crise, elle
constitue aussi une menace lourde pour l’avenir. Et l’on ne peut pas se
resigner a une situation qui n’offre ni perspective, ni avenir
professionnel et social. Nous avons en effet le devoir d’etre attentif aux
projets des jeunes, de favoriser leur parcours d’insertion scolaire,
professionnelle, mais aussi sociale et politique, de renforcer l’egalite
des chances, et en particulier pour tous ceux qui sont menaces par des
situations d’exclusion.
Pour cela, il s’agit d’abord de reconnaitre que ces jeunes representent non
pas un handicap, mais au contraire un atout fort dans notre societe
vieillissante. Il s’agit effectivement de les situer comme la " force
vive " de notre region, ce que nous avons souhaite faire en donnant cet
intitule a notre journee regionale. Nous entendons par la nous donner les
moyens de permettre aux jeunes de trouver leur place dans la societe,
d’exprimer leurs talents, leur personnalite.

Parmi les points qui vont etre evoques aujourd’hui, voici quelques reperes
sur les orientations soutenues par la politique regionale.
Celle-ci mene tout d’abord des actions en faveur des lycees, de maniere
classique en menant des interventions autour de l’entretien et de la
restauration des etablissements, mais egalement en mettant en avant de
nouveaux criteres prioritaires : celui de l’enseignement professionnel et
de la lutte contre les inegalites territoriales.
Dans ce cadre, 70 operations nouvelles ont vu le jour, qui representent
environ 200 millions d’euros par an en terme de travaux. Parmi elles, on
peut citer la reconstruction du lycee Jacques Brel a Venissieux, qui datait
de la fin des annees 1970. Le lycee Charlie Chaplin de Decines a egalement
beneficie d’une extension et d’une rehabilitation, de meme que le lycee
Aragon de Givors ou encore le lycee professionnel Argouges de Grenoble.
Enfin, nous avons fete avec Maurice Charrier ici present l’anniversaire des
10 ans du lycee Doisneau de Vaulx-en-Velin. La demarche suivie qui
consistait a construire un lycee dans une zone sensible, et qui ne faisait
pas alors l’unanimite prouve aujourd’hui toute sa validite, d’autant
qu’elle a ete accompagnee d’engagements forts de la part du personnel
enseignant et associatif bien sur, mais aussi du Rectorat de Lyon pour
reduire l’absenteisme et le taux de redoublement. On note aussi la mise en
place de la Convention d’education prioritaire avec Sciences-Po Paris qui a
permis a trois eleves de ce lycee d’integrer cette ecole.
Le deuxieme axe prioritaire d’intervention de la Region est celui de la
formation professionnelle. En effet, alors que la plus grande part du
chmage concerne des eleves issus de formation professionnelle, on constate
la presence d’offres d’emploi non pourvues qui correspondent pourtant a des
metiers qui permettent des evolutions de carriere, et qui, de surcroit, ne
sont pas soumis aux risques de delocalisation (metiers de la construction,
du batiment, de la restauration, du tourisme, de l’assistance aux
personnes, etc....).
De plus, depuis le 1er juin, la Region compte parmi ses competences la
pleine et entiere responsabilite de l’apprentissage. En la matiere, nous
avons innove dans la gestion des financements. En effet, en meme temps que
nous accordons une contribution supplementaire aux employeurs qui
entreprennent une action de formation qui s’adressent en particulier aux
jeunes sans qualification, nous accordons aussi une aide directe aux jeunes
qui s’orientent dans des metiers qui rencontrent des difficultes de
recrutement. l’objectif est ambitieux puisqu’il s’agit de passer de 32 000
apprentis recenses dans les differentes formations de Rhone-Alpes a 50 000
en 2010. Pour cette rentree 2005, nous attendons 900 apprentis
supplementaires.
Et nous poursuivons, avec l’Academie de Lyon et celle de Grenoble
l’objectif d’ouvrir deux CFA publics (centres de formation pour adultes)
pour la rentree 2006. Ceux-ci viendront completer le dispositif de
formation.
Par ailleurs, la Region s’est engagee, dans le cadre du plan pour l’emploi
adopte le 15 novembre apres concertation avec les organisations syndicales
et patronales, a mettre en place le contrat d’aide et de retour a l’emploi
durable. La Region mene dans ce cadre des actions de formation et
d’accompagnement, par exemple lors du chantier d’installation du tramway a
Grenoble ou des jeunes a la recherche d’une activite professionnelle se
sont vus proposer un parcours de formation debouchant sur des contrats a
duree indeterminee.
Au 30 juin, ce sont plus de 630 contrats de cette nature qui ont ete
signes, et plus de 1000 sont prevus pour septembre. Les secteurs concernes
sont divers puisqu’il s’agit non seulement des travaux publics, mais aussi
d’entreprises de type Botanic (jardinerie, horticulture) ou encore Clipsol
(installation de panneaux solaires).
Parallelement, nous avons engage une politique d’emplois tremplins : 86
emplois vont etre crees au 21 juillet dans des associations de nos huit
departements afin de permettre aux jeunes a la fois d’acquerir une
experience professionnelle tout autant qu’une demarche de prise de
conscience sur le plan civique. La Region a en effet souhaite compenser par
cette mesure l’abandon des emplois jeunes qui a laisse un vide, et en
particulier pour les jeunes des quartiers en contrat de ville.
Face aux difficultes multiples rencontrees par ces jeunes, nous appuyons
notre action sur les Missions Locales et les Permanences d’accueil,
d’information et d’orientation. La Convention entre la Region et les
Missions Locales sera d’ailleurs renouvelee en septembre 2005 pour la
periode 2006/2008.
Il faut rappeler que sur les 51 Missions Locales installees sur le
territoire regional, plus de la moitie se situe dans les quartiers
" politique de la ville " et qu’elles ont au total accueilli plus de 30 000
jeunes l’an dernier dans ces secteurs. Celles-ci mettent donc en place un
contact direct, un accompagnement personnalise approfondi d’un public qui
rencontre de multiples difficultes. Elles constituent donc des acteurs
incontournables pour la jeunesse.
Nous devons aussi renforcer notre vigilance par rapport a la discrimination
dont les jeunes de ces quartiers se sentent victime, et c’est pourquoi nous
avons reoriente notre action en direction de l’acces au droit, de la
participation des habitants, de la valorisation des initiatives locales, et
des demarches d’economie sociale et solidaire. 300 actions relevant de
l’insertion et du developpement social sont d’ailleurs soutenues par la
Region au titre de la politique de la ville.
Dans le cadre de la renovation urbaine, la Region Rhone-Alpes a decide de
doubler sa contribution, c’est-a-dire d’injecter 110 millions d’euros
supplementaires d’ici 2010. La contribution de la Region etait jusqu’a
present fixee entre 2,5% et 3% de l’ensemble des programmes concernant la
politique de la ville au titre de la renovation urbaine. Nous l’avons
augmente a 5% - 6% selon les projets.
Nous sommes ainsi parmi les premieres regions a mettre un accent fort sur
la politique de la ville, a cte du Nord-Pas-de-Calais et de l’Ile-de-
France. Ces engagements, et je peux en temoigner en tant que membre du
conseil d’administration de l’Agence Nationale pour le Renouvellement
Urbain, permettent d’ores et deja d’obtenir un regard plus attentif aux
dossiers deposes pour la region Rhone-Alpes.

Outre la remise des prix " politique de la ville " qui se deroulera en fin
de journee, orchestree par Marie-Odile Novelli, je tenais pour ma part a
distinguer trois actions exemplaires.
La Societe Cooperative de Production Elycoop est installee a Bron depuis 5
ans. Elle regroupe une quarantaine d’activites dans des domaines varies
relevant de la production artisanale et de la production de services. Elle
constitue une veritable structure de l’economie solidaire, avec tout ce que
ca implique en termes de creation d’entreprises et d’emplois. l’an dernier,
124 porteurs de projets ont en effet ete accueillis par la societe Elycoop,
parmi lesquels 67 beneficient d’un accompagnement personnalise.
l’AFEV (Association de la Fondation Etudiante pour la Ville) implique
500 etudiants benevoles dans des projets educatifs de proximite pour des
enfants, des jeunes des Missions Locales qui rencontrent des difficultes
scolaires ou d’insertion professionnelle, et des adultes qui rencontrent
divers problemes dont ceux qui sont lies a l’apprentissage de la langue par
exemple.
Le collectif CH2 a enfin pour objectif de faire decouvrir la culture hip-
hop et s’inscrit dans la region Rhone-Alpes comme un centre de ressources
en matiere de pratiques artistiques.

Ainsi, a travers les debats et les ateliers de cette journee, nous aurons
ensemble a baliser de nouvelles actions pour la politique de la ville. La
jeunesse ne doit en effet pas etre tenue en marge de notre societe et il
revient a nous de lui faire sa place dans l’avenir. "

Marie-Odile NOVELLI, Vice-presidente, Deleguee aux solidarites, a la
politique de la ville et au logement

" Je voudrais tout d’abord remercier l’ensemble des representants de
l’Etat, des collectivites locales et des associations pour leur presence
aujourd’hui, et d’une maniere generale, tous les acteurs de la politique de
la ville.

Comme vous le savez deja, le Conseil regional s’interesse aux jeunes. Celui-
ci s’est empare de l’opportunite offerte par le legislateur qui a confie
aux regions la tache de s’occuper de l’entretien des locaux scolaires au
niveau des lycees. Il l’a largement embrassee en participant a la
construction de lycees a haute qualite environnementale, en participant a
la formation des jeunes, en financant les livres scolaires, ou encore en
privilegiant les jeunes dans le cadre de la politique de la ville. Le
Conseil regional a donc transforme ce qui etait au depart une politique
juridiquement limitee a une reelle volonte politique.

Or, l’attitude de notre societe face aux jeunes comporte cette ambiguite
qu’elle se drape d’une representation positive et valorisante de la
jeunesse percue comme emprunte de dynamisme, et qu’elle demeure dans le
meme temps desemparee face aux realites vecues par ces jeunes, leurs
difficultes d’acces au logement, leurs difficultes educatives ou encore
leurs difficultes a se projeter dans l’avenir.
Or, ces problemes sont reels et touchent l’ensemble des jeunes, et plus
encore les jeunes des quartiers prioritaires. Contrairement aux jeunes des
annees soixante, qui inquietaient par le fait qu’ils constituaient une
force sociale et politique, la jeunesse actuelle a du mal a s’eriger en
force sociale, economique et politique.
Elle se situe de surcroit face a une societe qui semble s’en desinteresser,
ou en tout cas qui est malhabile. Et tout fonctionne des lors comme si les
jeunes se trouvaient face a une alternative : soit mener une strategie
individualiste de reussite, soit subir une attente un peu desesperee.

Si nous avons souhaite donner comme titre a cette journee : " les jeunes
comme force vive de notre societe ", c’est pour trouver des reponses a des
questions cruciales d’actualite, telles que : comment laisser une place a
l’energie et a l’initiative des jeunes ? Comment faire en sorte que notre
societe considere ces jeunes non pas comme une charge, mais comme une
ressource, un potentiel ?
Les solutions a trouver sont evidemment materielles mais impliquent plus
largement un changement de regard par rapport a la jeunesse. c’est en effet
a nos politiques et a nos programmes de s’adapter aux jeunes et non
l’inverse. Et si la politique regionale peut integrer les jeunes dans
divers volets tels que l’insertion sociale et professionnelle, le
developpement des initiatives locales dans le domaine de l’economie
solidaire, le developpement social ou encore la participation des
habitants, d’autres volets sont sans doute a examiner, sur lesquels nous
attendons vos propositions d’action.

Cinq temps ponctueront cette journee. Tout d’abord deux exposes
concerneront d’une part le repositionnement de l’Etat sur les projets de
renouvellement urbain et les implications qu’il comporte en terme de
modifications dans les systemes de gouvernance, et d’autre part la
situation concrete de jeunes dans un quartier en difficulte, suivis sur un
temps long - une demarche suffisamment rare pour etre interessante.
Suivra une table ronde avec les elus regionaux qui exposeront brievement
les politiques regionales menees et debattront avec la salle.
Trois ateliers se derouleront cet apres-midi autour de l’acces a l’emploi,
la recherche de solutions multiples pour l’insertion des jeunes les plus en
difficulte, l’engagement et la place des jeunes dans notre societe. Nous
assisterons enfin a une demonstration du groupe Pokemon Crew, suivie de la
remise des prix " politique de la ville ". "

III. CONFERENCES, DEBATS ET ATELIERS

" La renovation urbaine : prefiguration d’un nouveau mode d’intervention de
l’Etat dans les territoires ? "
Renaud EPSTEIN, Chercheur, Groupe Analyse des politiques publiques, ENS
Cachan, CNRS

" Mon intervention pourrait vous sembler bien eloignee du sujet de la
journee puisque je vais vous parler de la politique de renovation urbaine.
Cette thematique est neanmoins en lien direct avec la jeunesse pour deux
raisons au moins.
Tout d’abord, depuis un quart de siecle, la politique de la ville s’est
progressivement imposee comme l’un des principaux leviers des politiques
jeunesse. Dans de nombreuses villes, elle a servi de cadre pour
l’elaboration et la mise en oeuvre d’une politique specifique d’animation en
direction de la jeunesse populaire (et notamment des jeunes appartenant aux
minorites visibles). La fin de la politique de la ville, que semble
annoncer la politique de renovation urbaine, questionne donc le devenir des
politiques jeunesse.
Plus largement, la politique de renovation urbaine peut interesser les
intervenants des politiques jeunesse, en ce qu’elle prefigure des
evolutions des politiques territoriales. En effet, depuis la
decentralisation du debut des annees 80, la politique de la ville a joue un
rle precurseur en inventant des modes d’action qui se sont diffuses dans
l’ensemble des politiques territoriales. La remise en cause de cette
politique peut etre vue comme le signe annonciateur d’une remise en cause
plus generale des contractualisations territoriales.

Renforcement ou remplacement de la politique de la ville ?

Parler de la fin de la politique de la ville pourrait surprendre certains
d’entre vous, alors meme que la loi Borloo a ete presentee, non pas comme
la fin de la politique de la ville, mais sous l’angle de son renforcement.

La renovation urbaine s’inscrit en effet en apparence dans le prolongement
de la politique de renouvellement urbain amorcee en 1999, dont elle reprend
les objectifs. Les changements operes releveraient essentiellement du
registre de la simplification administrative (simplifier la mise en oeuvre
des projets avec un guichet unique, l’ANRU, simplifier le suivi et
l’evaluation avec un observatoire) et des moyens mobilises (un affichage de
30 milliards d’euros d’investissements sur 5 ans). Cette presentation
politiquement habile insistant conjointement sur la continuite strategique,
le renforcement des moyens et la simplification administrative peuvent
expliquer le relatif consensus qui a entoure cette politique. On se
souvient d’ailleurs que le groupe socialiste s’est abstenu a l’Assemblee
Nationale sur cette loi.
La continuite n’est pourtant qu’apparente et de ce point de vue, le
changement de terminologie, du renouvellement a la renovation urbaine,
n’est pas neutre.

Pour souligner l’ampleur de ce changement, un rapide retour sur l’histoire
de la politique de la ville s’impose. Au cours du dernier quart de siecle,
elle a developpe avec une relative constance une approche concurrente de
celle qui guidait des politiques sectorielles critiquees pour leur
incapacite a traiter les difficultes des quartiers populaires, voire pour
leur responsabilite dans celles-ci.
qu’on l’appelle approche territoriale, globale, transversale, cette
approche consistait dans une inversion du mode de conception des politiques
publiques, faisant primer le projet local sur les normes nationales (ou
plus exactement cherchant a faire du projet local le levier d’une
territorialisation d’ensemble des politiques publiques, portees par des
acteur multiples reunis sur une scene contractuelle unique).

La politique de la ville presentait ainsi la particularite de demeurer
largement procedurale a l’echelon national, sa substance etant definie
localement par les contractants. Ceci explique d’ailleurs le flou
strategique apparent de la politique de la ville, qui a toujours fait
cohabiter une pluralite de logiques : developpement endogene (via le
soutien aux initiatives issues des quartiers), remise a niveau par le
renforcement de la presence et des moyens des services publics,
transformation de la gestion de la ville (en faisant des quartiers les
bancs d’essai experimentaux pour de nouveaux modes de gestion urbaine).

Ces trois registres renvoient a des diagnostics nettement differencies
quant aux problemes affectant les quartiers prioritaires.
La souplesse de l’outil contractuel etait neanmoins supposee permettre aux
acteurs locaux de les combiner en faisant primer une lecture
territorialisee des enjeux sur une approche nationale insistant, suivant
les periodes, sur l’un ou l’autre des registres (mais jamais de maniere
exclusive). Les operations de DSQ (developpement social des quartiers) des
annees 1980 relevaient plutot de la premiere approche, cherchant a
valoriser les quartiers populaires. Les contrats de ville du XIeme Plan
s’inscrivaient plus directement dans la seconde, en affichant pour la
premiere fois des objectifs de reduction des ecarts territoriaux. Le Pacte
de relance pour la ville, qui marquait une premiere - et ephemere - rupture
avec la logique contractuelle, a ete plus loin dans cette direction en
hierarchisant les quartiers en ZUS (zone urbaine sensible), ZRU (zone de
renovation urbaine), ZFU (zone franche urbaine). Enfin, si les contrats de
ville du XIeme Plan etaient deja sous-tendus par la troisieme conception,
leurs effets sur la gouvernance locale furent limites en l’absence de
pouvoir politique d’agglomeration. Sur ce plan, le gouvernement de Lionel
Jospin a ete plus volontariste, la " nouvelle ambition pour la ville " de
Claude Bartolone s’articulant avec les trois grandes lois de 1999 et 2000
traitant de la question territoriale : la loi Voynet[2] qui instituait des
contrats d’agglomeration integrant les contrats de ville ; la loi
Chevenement[3] qui faisait de la politique de la ville et de l’equilibre
social de l’habitat des competences obligatoires des nouvelles communautes
d’agglomeration ; la loi de solidarite et renouvellement urbain dont
l’article 55 obligeait a une meilleure solidarite intercommunale en matiere
de repartition du logement social.

Finalement, les contrats de ville s’apparentaient a une politique des
villes. Il s’agissait d’une politique territoriale dont les enjeux, les
cibles, les objectifs et les realisations etaient definis localement, dans
un cadre contractuel mettant formellement l’Etat et les collectivites sur
un pied d’egalite.

Avec la loi Borloo, une politique nationale de la ville (plus exactement
une politique nationale des ZUS) se met en place, qui tourne le dos a
l’approche contractuelle anterieure. Les contrats de ville sont d’ailleurs
passes sous silence dans la loi et le calendrier retenu confirme cette
dissociation entre politique de la ville et contrats de ville : la loi
d’orientation a ete votee pour cinq ans a compter de 2004, s’exonerant
ainsi du calendrier contractuel anterieur (2000/ 2006).

Au travers des nouveaux instruments de pilotage et circuits de mise en
oeuvre qu’elle institue, la loi Borloo opere une reforme radicale du design
de la politique de la ville, redefinissant le probleme traite, les cibles
visees, les objectifs effectivement poursuivis ainsi que la distribution du
pouvoir et des responsabilites au sein du systeme d’acteurs en charge de sa
mise en oeuvre.

Sur le plan des objectifs, la valorisation des quartiers populaires et la
transformation de la gouvernance d’agglomeration ne sont plus prioritaires.
Il s’agit desormais de remettre " a la moyenne " des quartiers consideres
exclusivement sous l’angle de leurs handicaps urbains (morphologie, niveau
d’equipement, enclavement) et sociaux (concentration des populations
defavorisees). Les instruments mis en place (ANRU et ZFU) sont entierement
tournes vers cet objectif : restructuration urbaine des quartiers et
reduction de la concentration spatiale des pauvres et des minorites
visibles par les demolitions d’un cte, le developpement d’activites
economiques par les exemptions fiscales de l’autre.
En cela, la loi Borloo clture un cycle de long terme de la politique de la
ville qui avait ete marque par l’ambition de porter de concert la
requalification physique des lieux et la promotion economique et sociale de
leurs habitants.
Le cycle qui s’annonce se caracterise au contraire par une dissociation
entre l’investissement sur le cadre bati, dans le cadre d’un dispositif
procedural recentralise et les interventions a caractere social (au sens
large) qui sont renvoyees vers les politiques de droit commun ou laissees a
la seule initiative des collectivites, notamment les communes et les
agglomerations, qui beneficient pour ce faire d’une Dotation de Solidarite
Urbaine renovee.
d’ailleurs, a certains egards, la reforme de la DSU operee dans le cadre de
la loi de cohesion sociale peut etre vue comme un solde de tout compte de
l’Etat vis-a-vis des collectivites presageant la disparition future des
credits contractualises. On ne sait pas aujourd’hui ce qu’il en sera des
c
Cette redefinition des objectifs correspond a un changement dans le niveau
de leur enonciation. Ils sont desormais definis dans la loi (l’annexe de la
loi Borloo comprend 65 objectifs associes a des indicateurs precis et
mesurables), laquelle ne laisse que peu de marge pour leur modulation par
les partenaires locaux. De la meme facon, la grande souplesse des contrats
de ville, qui permettait de financer toutes sortes d’actions, laisse place
a des dispositifs rigides et centralises, dont les interventions sont
precisement delimitees par des textes legislatifs et reglementaires. Le
soutien de l’ANRU aux projets locaux est ainsi conditionne par la
demolition de logements sociaux, tant dans les agglomerations en deprise
demographique que dans celles qui sont marquees par de fortes tensions sur
le marche du logement.

Ce mouvement de centralisation, qui se traduit sur le plan budgetaire par
la remontee au niveau central de credits d’investissement jusqu’alors
deconcentres, s’accompagne d’un resserrement du ciblage de la politique de
la ville. La loi d’orientation ne vise que les 751 ZUS, quand les contrats
de ville developpaient des actions en direction de plus de 1300 quartiers,
et au-dela, a l’echelle des agglomerations.
En outre, une action a " deux vitesse " parait se dessiner au sein des ZUS,
avec une concentration des moyens en direction d’un nombre restreint de
zones beneficiant du dispositif ZFU ou du soutien de l’ANRU. A cte de
cela, on a des ZUS lambda pour lesquelles la loi prevoit des programmes
d’actions a cinq ans, mais sans moyens specifiques. On pourrait meme parler
de troisieme vitesse (en realite le point mort), en considerant les 650
quartiers prioritaires mais non ZUS, pour lesquels rien n’est prevu.

De nouvelles politiques territoriales post-contractuelles

Au-dela, la disparition annoncee de la politique de la ville, remplacee par
une politique de renovation urbaine a la fois sectorielle et centralisee,
semble annoncer le declin des contractualisations territoriales.

Les contrats de plan ont ete les premiers a etre remis en cause. l’Etat n’a
pas seulement oublie ses engagements financiers, mais aussi la clause de
revision a mi-parcours qu’il avait impose. La concertation sur l’avenir de
ces contrats initiee par le gouvernement en decembre 2003 et les divers
rapports produits dans ce cadre tendent a indiquer que les Contrats de plan
Etat - Region 2000/2006 seront les derniers du genre. Or, ces contrats
constituaient la cle de voute de l’architecture contractuelle, integrant
dans leur volet territorial l’ensemble des contrats portant sur des
echelles inferieures (pays, agglomeration, quartier). Les incertitudes qui
pesent sur les contrats de plan ont d’ailleurs rejailli sur l’ensemble des
procedures contractuelles, des contrats de ville aux contrats
d’agglomeration dans lesquels l’Etat s’est place en retrait, laissant les
communautes d’agglomerations negocier des conventions bilaterales portant
sur la mise en oeuvre de leur projet avec les departements et les regions.

Ce n’est donc pas la fin des contractualisations territoriales qui
s’annonce, comme l’illustre ce dernier exemple. Au contraire, on assiste
actuellement a la multiplication des conventions entre collectivites de
differents niveaux, pour organiser la mise en oeuvre des nouvelles
competences transferees par l’Etat. Ces nouveaux contrats different
cependant fortement des precedents, dans lesquels l’Etat jouait un triple
rle d’arbitre (en definissant les regles du jeu procedural), de banquier
(en apportant des financements) et de joueur (en mettant ses politiques
dans le " panier contractuel ").

Renoncant a la perspective affichee par la loi Voynet d’une couverture
quasi-exhaustive du territoire par des contractualisations globales, l’Etat
organise au contraire son retrait de ces contrats, pour conduire depuis le
niveau central des interventions plus limitees, tant thematiquement que
territorialement. Dans cette perspective, l’Etat multiplie les appels a
projets cibles a destination du local, qui lui permettent d’allouer
prioritairement ses moyens aux sites faisant la preuve de leur volonte de
mettre en oeuvre ses propres priorites. Cette technique de l’appel a projets
- qui organise une mise en concurrence nationale des projets locaux - s’est
rapidement imposee dans le champ des politiques urbaines (renovation
urbaine, cooperation metropolitaine) avant de s’etendre aux politiques
economiques (ples de competitivite) et sociales (maisons de l’emploi,
dispositifs de reussite educative). Dans cette perspective, et suivant
l’exemple de l’ANRU, de nouvelles agences d’intervention ad hoc sont mises
en place (infrastructures de transport, recherche...), chargees d’apporter
les financements necessaires a la realisation de projets precis, apres une
selection drastique parmi les multiples projets proposes.

Ces evolutions sont a replacer dans un contexte de transformation plus
generale des politiques publiques, avec la nouvelle etape de la
decentralisation. Contrairement a ce que la dynamique initiee par les lois
Voynet et Chevenement pouvait laisser penser (et que le rapport Mauroy
preconisait), l’Acte II de la decentralisation ne debouche pas sur un
approfondissement de l’approche territoriale, globale et contractuelle. Au
contraire, il prolonge l’option retenue au debut des annees 1980 (transfert
de blocs de competences). Pour autant, l’Acte II n’est pas la simple
repetition de l’Acte I. Car la nouvelle etape de la decentralisation
s’accompagne d’importantes reformes administratives, qui transforment le
mode de conception et de mise en oeuvre des politiques de l’Etat. La LOLF
constitue une premiere reforme d’importance. Elle s’accompagne d’une
seconde evolution, moins visible, mais tout aussi fondamentale : la
dissociation entre decentralisation et deconcentration. On avait deux
processus paralleles de transfert du pouvoir vers le local dont le lien
etait consacre par la loi relative a l’administration territoriale de la
Republique de 1992, et reaffirme par la loi Mauroy en ces termes : " Des
les lois de decentralisation, le gouvernement a affirme la necessite
d’accroitre la deconcentration. Face a un pouvoir local elu renforce, il
paraissait necessaire d’avoir un pouvoir local d’Etat en capacite de
decider et d’agir. Toute autre solution aurait nie le reequilibrage des
pouvoirs au profit du local, et donc, la decentralisation en faisant
dependre systematiquement les reponses aux demandes des elus locaux d’une
decision centrale ".

Ce couplage entre decentralisation et deconcentration, qui avait permis
d’etablir un certain equilibre entre Etat local et collectivites
territoriales, concretise par la signature de divers contrats, releve du
passe.
l’accroissement des pouvoirs des collectivites s’opere largement par
captation des competences des services deconcentres de l’Etat, conduisant a
leur affaiblissement corollaire, que les annonces d’un renforcement de
l’echelon regional, autour d’un Projet d’action strategique de l’Etat en
region, ne parviennent pas a masquer.
Le processus d’affaiblissement des services deconcentres de l’Etat semble
meme appele a se renforcer sous l’effet de l’instauration du droit a
l’experimentation locale ouvrant la porte a de nouveaux transferts d’une
part, de la mise en oeuvre de la LOLF d’autre part. Celle-ci vise a redonner
au Parlement et aux administrations centrales un rle preponderant dans la
definition des programmes de l’Etat avec, pour effet corollaire, de
restreindre la capacite d’adaptation des objectifs et des mesures dont
disposaient jusque-la les services deconcentres.

Loin d’organiser un approfondissement de la deconcentration, ces reformes
organisent donc un mouvement inverse de re-concentration, mouvement
qu’illustre la renovation urbaine. Cette disjonction entre decentralisation
et deconcentration met fin au cycle amorce en 1982 au cours duquel les
contractualisations ont accompagne l’appropriation par les villes des
competences que l’Etat leur avait transferees. Vingt ans plus tard, elles
sont majeures et l’Etat leur laisse la pleine responsabilite des politiques
dont elles ont la charge, privilegiant pour sa part des interventions plus
ciblees pilotees directement depuis le niveau central.

En cela, la politique de la ville peut une nouvelle fois etre consideree
comme une politique anticipatrice, definissant avec la renovation urbaine
un nouveau modele " post-contractuel " en matiere de gestion territoriale.
Cette hypothese prospective est fragile. La loi Borloo pourrait en effet
connaitre le meme sort que le Pacte de relance pour la ville, qui avait
deja sorti la politique de la ville de la logique contractuelle en 1996,
avant que l’alternance politique de 1997 ne debouche sur un nouvel essor de
cette derniere. Cette perspective n’est pas a exclure. Mais des instruments
ont ete mis en place (ANRU, ZFU) qui sont appeles a structurer, selon leur
logique propre, l’action publique dans les annees a venir. Plus largement,
les reformes institutionnelles en cours vont produire des effets sur
lesquels il sera difficile de revenir, sauf a imaginer que les services
deconcentres de l’Etat parviennent a retrouver des competences (dans tous
les sens du terme) necessaires pour jouer un rle actif dans les contrats.

Pour conclure

Le mouvement de recomposition de l’action publique qui s’amorce demeure
encore flou et incertain. En guise de conclusion, je me contenterai donc de
quelques hypotheses sur les transformations a l’oeuvre, portant sur trois
niveaux : central, local, et entre central et local.

Au niveau central

La politique de la ville - et avec elle la plupart des contractualisations
territoriales - correspondait a une politique constitutive, creant des
fenetres d’opportunite pour l’action, mais n’orientant que faiblement cette
derniere, qui variait en fonction des configurations locales. La diversite
qui en resultait mettait en difficulte les ministres successifs de la
ville, frequemment interpelles sur les effets et l’impact de la politique
dont ils avaient la charge, mais incapables d’y repondre, disposant tout au
plus d’une vision agregee des credits mobilises, qui ne renseignaient que
faiblement sur les outputs de la politique de la ville, et moins encore sur
ses outcomes.

Les politiques post-contractuelles repondent plus directement au besoin de
legitimation du pouvoir politique, qui passe par une visibilite des
politiques menees. La politique de renovation urbaine l’illustre : les
nouveaux instruments mis en place permettent non seulement d’afficher des
objectifs aussi precis que volontaristes, mais aussi les realisations
effectives renseignees par un systeme sophistique de suivi.
La systematisation des demolitions de logements HLM peut etre lue dans
cette perspective : si ces demolitions peuvent amorcer des dynamiques de
renouvellement urbain, lorsqu’elles s’inscrivent dans un projet urbain
coherent, elles sont loin de toujours repondre a des besoins locaux
precisement identifies (Bonnetti, 2004) ; cependant, elles presentent
l’interet d’etre visibles et largement couvertes par les medias, du fait de
leur caractere spectaculaire.

Ce besoin de legitimation debouche par ailleurs sur la neutralisation des
dispositifs susceptibles de mettre en jeu la responsabilite politique, dont
en premier lieu l’evaluation. Ce jugement pourrait paraitre abusif
s’agissant de la loi Borloo, qui cree un Observatoire national des ZUS et
un Comite d’evaluation et de suivi de la renovation urbaine. Ceux-ci ne
sont cependant pas charges de formuler un jugement sur la valeur de la
politique menee, mais simplement d’en assurer le suivi.
La mission du Comite d’evaluation et de suivi cree aupres du conseil
d’administration de l’ANRU (systematiquement qualifie de " comite de
vigilance " par le ministre delegue a la ville, et presente comme le garant
de la bonne execution des projets de renovation urbaine), consiste
uniquement a apprecier la mise en oeuvre du programme national de renovation
urbaine, autrement dit a verifier que l’appareil administratif concretise
les decisions prises par le pouvoir politique.

l’evaluation des politiques publiques, dont le developpement en France a
suivi celui du modele contractuel, visait a questionner conjointement les
choix politiques et les conditions de mise en oeuvre de ces choix par les
administrations. Les dispositifs de suivi qui la remplacent se concentrent
sur le deuxieme terme, signe d’une defiance vis-a-vis des appareils
administratifs existants, qui avait deja ete revelee par le choix de
confier le pilotage de la politique de renovation urbaine a une nouvelle
agence plutot qu’aux administrations centrales competentes en la matiere.

Au niveau local

Les contractualisations territoriales visaient a assurer une certaine
integration de l’action publique dans un systeme local marque par la
fragmentation des pouvoirs. Le succes de la formule contractuelle tient
aussi a ses effets proprement politiques. A defaut de faire disparaitre les
conflits politiques ou les oppositions entre elus locaux et entre ceux-ci
et representants de l’Etat, les contrats les cantonnaient dans un espace
politico administratif relativement protege de l’exposition publique.

Les politiques territoriales post-contractuelles organisent la disparition
de ces espaces, pour laisser place a des negociations politiques directes,
tant entre elus d’une intercommunalite qu’entre intercommunalites et
collectivites de rang superieur (departement, region). Cette evolution
renforce le rle des presidents d’agglomeration dans le systeme local, qui
se trouvent en position d’operer une double integration politique interne
(production d’accords entre maires de l’agglomeration) et externe (acces
aux programmes pilotes a d’autres niveaux et coordination de leur mise en
oeuvre locale).
Dans le meme temps, elle conduit a une plus grande exposition de leur
activite politique. l’Acte II n’ayant pas - loin s’en faut - mis fin a la
fragmentation des competences, les collectivites des differents niveaux
n’ont d’autre choix que de conventionner entre elles au terme de
negociations directes entre elus locaux conduites hors des scenes moderees
et arbitrees par l’Etat.

Les politiques territoriales post-contractuelles amorcent en cela une forme
de politisation de l’action publique locale, avec la publicisation des
positions et des oppositions entre responsables politiques locaux. Les
dispositifs de suivi mis en place par l’Etat risquent de renforcer cette
politisation. c’est ainsi que les rapports produits par l’Observatoire
national des ZUS doivent etre debattus chaque annee par les assemblees
deliberantes des regions, des departements, des agglomerations et des
communes, multipliant les occasions de renvoi des responsabilites entre
elus des differents niveaux.

Entre central et local

Dans un systeme politique qui demeure marque par le cumul des mandats,
nombre de maires sont aussi des elus departementaux, regionaux, nationaux,
disposant a ce titre d’un acces privilegie aux ministres et a leurs
cabinets. Les demandes qu’ils adressent au pouvoir central pesent d’autant
plus qu’elles sont relayees au sein de l’appareil administratif d’Etat, des
services deconcentres vers les administrations centrales.
Les contractualisations territoriales ont meme approfondi ce que Gremion
appelait " l’apprivoisement du pouvoir central par le local ", en liant
plus encore les Prefets aux elus locaux. l’emprise de ces derniers sur les
choix politiques nationaux en matiere d’intervention territoriale s’est
donc resserree, ce qu’illustrent les difficultes rencontrees par les
ministres successifs de la ville pour concretiser leur volonte de
concentrer, au titre de la solidarite nationale, les ressources dont ils
disposaient sur les quartiers les plus en difficulte.

En privilegiant les appels a projets portes par des agences qui court-
circuitent non seulement les services deconcentres, mais aussi les
administrations centrales, les politiques territoriales post-contractuelles
correspondent a une tentative de restauration du pouvoir central et de sa
capacite d’intervention dans le local. Le modele qui s’ebauche peut donc se
lire sous l’angle du gouvernement a distance : l’Etat organise son retrait
hors du local, pour retrouver une capacite de selection et d’intervention
qu’il avait perdue en se liant les mains dans de multiples contrats. Les 41
nouvelles ZFU l’illustrent, relevant d’un choix discretionnaire du
ministre, parmi un echantillon large des quartiers souffrant de difficultes
comparables. De meme, l’ANRU n’est pas tenue par des criteres precis pour
selectionner les projets qu’elle soutient et pour fixer le niveau de sa
participation. Le choix de concentrer ses moyens sur un nombre restreint de
projets (une centaine, alors que la geographie prioritaire de la politique
de la ville comprend pres de 1300 quartiers) place les acteurs locaux en
situation de concurrence pour l’acces aux ressources qui demeurent
largement a l’echelon central.

Ceci a des consequences directes sur l’autonomie politique des elus locaux.
En meme temps qu’elle responsabilise les maires et les presidents
d’agglomeration en leur confiant la charge de la definition du projet de
demolition, la technique de l’appel a projets debouche sur une nette
reduction de cette autonomie. Car, dans un regime de concurrence entre
collectivites, celles dont le projet ne serait pas retenu ne disposeraient
plus que de leurs ressources propres pour conduire des interventions
urbaines. Afin de reduire ce risque, les elus sont donc conduits a integrer
l’approche, les objectifs et les actions definis par l’Agence.

Il est trop tt pour juger de la capacite du pouvoir central a resister aux
demandes locales dans le nouveau modele post-contractuel qui s’ebauche. Il
est neanmoins clair que l’externalisation du pilotage des interventions
territoriales de l’Etat, confie a des agences d’intervention, dessine un
cadre nouveau pour la regulation nationale/locale. Au-dela de la seule
renovation urbaine, c’est la regulation d’ensemble des rapports entre
pouvoir central et pouvoirs locaux qui semble donc en voie d’evolution.
Celle-ci ne s’opere plus sur le mode hierarchique assoupli par les
arrangements entre representants de l’Etat et elus locaux inscrits dans des
systemes de " regulation croisee ", ni dans des contrats horizontaux. Plus
surement, elle releve d’une logique de marche (mise en concurrence des
collectivites), mais d’un marche tres imparfait dont le fonctionnement
reste a eclaircir. "
" Etat des lieux sur un quartier de l’agglomeration lyonnaise : des
trajectoires sociales diversifiees pour les jeunes de 20 a 29 ans "

Emmanuelle SANTELLI, Chargee de recherche au CNRS, Groupe de recherche sur
la socialisation, Universite Lyon 2.

" En preambule, il s’agit de presenter le contexte general du terrain
d’enquete dont les principaux resultats vont vous etre presentes. Tout
d’abord cette recherche s’inscrit dans un cadre monographique : en effet,
cette etude porte sur les jeunes francais d’origine maghrebine qui ont
grandi dans un quartier " politique de la ville " precis, et non sur les
jeunes en general, ou l’ensemble des jeunes d’origine maghrebine. Les
questions directrices sont les suivantes : que sont devenus les jeunes qui
ont grandi dans ce quartier ? Comment s’est fait leur entree dans l’age
adulte, et en particulier dans le domaine si important de l’insertion
socioprofessionnelle ? Cette recherche se situe dans un ensemble plus large
de travaux que je mene sur les trajectoires des familles maghrebines
installees en France, et dans ce cadre, je me suis interessee aux jeunes
qui sont souvent les plus apparents sur la scene publique.
Parmi l’ensemble des travaux menes sur cette question amplement traitee, un
double aspect m’apparaissait insatisfaisant : d’une part le fait que
l’entree se faisait souvent par la precarite, entree qui est d’apres moi
enfermante, et d’autre part la perspective recurrente qu’ils offraient en
termes de problemes sociaux. j’ai donc construit un dispositif
methodologique qui a permis d’analyser le devenir de l’ensemble des jeunes
francais d’origine maghrebine de ce quartier[4], par definition, mon
enquete ne concerne donc pas uniquement ceux qui habitent encore le
quartier ou ceux qui sont en situation de precarite.

Ce quartier, que je ne cite pas pour des raisons de confidentialite, se
situe au Sud-Est de l’agglomeration lyonnaise. Il possede toutes les
caracteristiques d’un quartier " politique de la ville " en termes de part
de logements sociaux, d’indicateurs de precarite, etc.

Trois criteres ont ete utilises pour cibler la population etudiee. Ce
devait etre tout d’abord des jeunes qui avaient entre 20 et 29 ans en 2003
(soit nes entre 1974 et 1983) ; leurs parents devaient etre d’origine
maghrebine ; les jeunes devaient avoir frequente l’une des ecoles primaires
du perimetre scolaire relatif au quartier. Ces jeunes ont ete identifies a
partir des registres scolaires, sur la base de leur nom et prenom et,
lorsqu’elle etait renseignee, sur la nationalite de leurs parents.
j’ai ainsi constitue une cohorte, au sens ou il s’agit d’une population qui
a un passe similaire ayant grandi dans le meme quartier, durant la meme
periode, dans le meme contexte residentiel.
Le fait d’avoir connu le meme contexte de depart (meme cadre residentiel,
meme voisinage, meme ecole, etc.) a-t-il provoque pour ces jeunes des
destins communs, ou est-ce que leur trajectoire est differenciee d’un jeune
a l’autre ? Repondre a cette question imposait de retrouver les jeunes
recenses dans les registres scolaires. Sur 473 jeunes recenses, 393 ont ete
retrouves et etaient disponibles pour l’enquete. 55 n’ont pas pu etre
retrouves, soit parce que leur famille en situation de grande precarite
avait " disparu ", soit parce qu’a l’inverse, ils avaient connu une
ascension sociale et une mobilite residentielle, et ne souhaitaient pas
maintenir des liens avec le quartier. 25 etaient dans des situations
particulieres (vivant a l’etranger, malades, decedes) qui les excluaient
d’emblee de l’enquete. Ainsi, sur les 393 jeunes disponibles, 200 ont ete
enquetes par questionnaire, soit un sur deux.

Parmi eux, 56% habitent encore le quartier aujourd’hui et 44% l’ont quitte
pour vivre soit a proximite (la meme commune ou une commune limitrophe,
c’est notamment le cas quand les parents ont accede a la propriete), c’est
la grande majorite, soit dans une autre ville francaise, pour une minorite
d’entre eux, lorsqu’ils sont etudiants ou lorsqu’ils ont demenage pour des
raisons professionnelles.

En termes de parcours scolaire, 72% sont sortis du systeme scolaire et sont
en situation d’entree sur le marche du travail, et 28% sont encore
scolarises.

Parmi ceux qui sont sortis du systeme scolaire, le premier fait marquant
est que 34% d’entre eux sont sans diplme. Ce chiffre est tres eleve si on
le compare aux resultats nationaux ou c’est le cas pour 13% des jeunes[5].
Ce constat est evidemment determinant dans le sens ou il oriente fortement
les manieres d’entrer sur le marche du travail. Et il est de fait tres
preoccupant pour l’avenir professionnel, et citoyen, de ces jeunes. 2% ont
le BEPC, 33% ont un CAP ou un BEP, 17% ont le baccalaureat, dont 3%
seulement un bac general, les autres ont donc obtenu un bac professionnel
ou technique. 14% ont un niveau bac +2 et plus, dont 10% un bac +2.
On constate par ailleurs que ce sont les jeunes hommes et les habitants du
quartier qui sont les plus exposes au risque d’etre sans diplme puisque
65% des non diplmes sont des hommes et que 61% de l’ensemble des non
diplmes resident dans le quartier.
Le second fait marquant parmi l’ensemble de ces jeunes sortis du systeme
scolaire est l’orientation massive vers des filieres courtes et
professionnalisantes, y compris pour ceux qui sont alles dans
l’enseignement superieur. A ce niveau, les filieres generales
universitaires sont tres rares, et les jeunes font beaucoup plus souvent un
BTS qu’un DUT.

Parmi les jeunes scolarises au moment de l’enquete, soit 28%, 2% preparent
un CAP ou BEP, 11% un baccalaureat, dont 4% un bac general, 4% un diplme
d’acces aux etudes universitaires (DAEU), et 83% preparent un niveau bac +2
et plus. On a sur ce dernier point une configuration radicalement
differente des jeunes du premier profil ou 14% seulement etaient dans ce
cas.
Globalement, la population des jeunes scolarises est plus jeune. Mais il
s’agit aussi des bons eleves de la cohorte (28% ont atteint un niveau bac
+3 et plus, contre 4% precedemment) et les filieres suivies sont plus
diversifiees et plus prestigieuses.
Enfin, les hommes deviennent majoritaires dans les filieres les plus
longues. Le public masculin se trouve donc aux deux extremites : reussite
scolaire ou absence de diplme.

Ces resultats revelent des blocages scolaires importants. Si on raisonne
sur la totalite de l’echantillon, 25% ne sont pas diplmes, part qui reste
tres importante. De plus, on identifie des problemes d’orientation
recurrents, tel que le montre cet exemple d’une jeune etudiante, qui, ne
sachant pas ce qu’est l’IEP (Institut d’etudes politiques) que lui
conseillent ses professeurs, s’inscrit en faculte de droit. On identifie
egalement des problemes d’acces a l’information et de suivi des eleves. Le
tout ayant bien evidemment des effets directs sur le parcours
professionnel.

En termes de parcours professionnel pour les jeunes qui sont sortis du
systeme scolaire, soit les trois quart de l’echantillon, on repere trois
situations au moment de l’enquete : plus de la moitie est active, 32% sont
actifs inoccupes (en recherche d’emploi) et les autres sont inactifs.
Parmi les actifs occupes, 73% sont ouvriers ou employes, 22% sont dans des
professions intermediaires, 2,5% sont commercants ou independants, et 2,5%
sont cadres ou de professions intellectuelles superieures. Par rapport a la
moyenne nationale, on note une surrepresentation des ouvriers et des
employes et une sous representation des cadres et des professions
equivalentes.
On remarque egalement qu’ils ont debute leur vie professionnelle tres
majoritairement par des contrats de travail precaires courts, c’est-a-dire
avec des CDD ou des contrats d’interim. Or, ils ne sont plus que 30% dans
ce cas au moment de l’enquete. De la meme maniere, 12% etaient titulaires
d’un CDI ou de la fonction publique pour leur premier emploi, pour 65% au
moment de l’enquete.
Ainsi, on repere qu’une stabilisation du contrat de travail s’est operee
depuis leur premier emploi, de meme qu’une progression de la qualification
professionnelle.
voir la suite plus loins (Actes, 2)