« loyautés radicales » de Fabien Truong.
Dans ce livre, Fabien Truong, sociologue et ancien professeur de philo dans le « 93 » décrypte, à l’aide d’enquête et de longues heures d’interviews, quelles sont les croyances, valeurs et attentes des jeunes que peuvent « fabriquer » des quartiers comme ceux de Grigny, qui, après avoir symbolisé
le progrès dans les années 60, sont devenus des quartiers d’émigrés pauvres et de chômeurs.
L’on apprend ainsi de ces interviews qui ont le mérite de transcrire un vécu et des désirs dont on ignorerait tout sans cela, que l’on peut devenir musulman par :
désir d’une forme de sécurité communautaire ( souvent fantasmée). Derrière ce mot se cache, nous dit l’auteur, une « nostalgie d’une forme de sociabilité particulière où le lien humain s’éprouve dans la similitude, au contact de lieux et d’expériences communes, et se renforce dans la confiance dans des rapports personnels ». Dans ces quartiers les jeunes font une expérience particulière de la loyauté indéfectible, du don (et du contre -don), qui entre parfois en contradiction ou conflit avec les valeurs abstraites de la République.
par besoin de satisfaire des besoins intellectuels et esthétiques (sic), des besoins interieurs niés jusque là, que le Coran et la langue litteraire arabe - premier contact avec la beauté- réhabilitent…
ou encore, par besoin viscéral et violent d’occuper une place dans la société. Le sentiment dominant étant que celle - ci semble si peu se soucier du devenir des enfants d’immigrés que seule la révolution, un changement radical, pourraient remettre les pendules à l’heure. La religion occupe la place que la politique ne peut occuper.
Cette conversion est un nouveau départ. Le risque pour certains, est de rester collé à ce stade radical, faute de parvenir au stade de la re-conversion, maturation qui permet une intégration plus personnelle. En effet, la conversion au rituel islamique est un défi particulièrement exigeant, structurant (il s’oppose à la satisfaction immédiate à tout prix) mais que tous ne réussissent pas. La re-conversion en est entravée.
Si les valeurs « laïques » approchées à l’école de la République peuvent nourrir la reconversion dans le réexamen des préceptes de l’islam pour une synthèse plus personnelle, encore faut- il que le converti éprouve un minimum de fiabilité dans les valeurs de la République : croire en la justice, aux valeurs de Liberté et d’Egalité, c’est ne pas avoir été victime de grandes injustices de la part de cette République ( arrestations arbitraires, morts de camarades …) et ne pas s’être senti trop rejeté non plus par le système scolaire.
Le problème est d’autant plus crucial qu’aujourd’hui, nous précise l’auteur, la réussite à l’école est désirée. Mais cette réussite est particulièrement ardue.
« Fini la fierté ouvrière, pour les enfants d’immigrés, le devoir de réussite à l’école fait littéralement tenir la famille ». Très lourde tâche.
Ce livre, permet finalement à mon avis d’imaginer quelques pistes pour une meilleur prévention de la radicalisation avant que ne soit franchi le point de non retour.
MO.N