Eoliennes : Lettre aux députés
A Mrs les députés de l’Isère
Objet : règlementation de l’implantation de parcs éoliens/Grenelle II
Monsieur le député,
La Mission d’information commune sur l’énergie éolienne, présidée par le Député Ollier, a été créée le 15 septembre 2009 avec pour objectif de dresser un état des lieux de l’énergie éolienne en France, étudier les perspectives de développement de cette énergie et en analyser les conditions d’acceptation.
Après six mois d’auditions, Philippe Plisson, le co-rapporteur de la Mission a démissionné de ses fonctions en dénonçant un « rapport à charge se contentant de reprendre les critiques traditionnelles à l’égard de l’énergie éolienne, […], un rapport sélectif et lacunaire » (voir annexes 1 & 2). Il condamne la déformation des propos tenus lors des auditions, en citant un élu dont la position est dénaturée. De fait, le rapport reprend à son compte, sans analyse critique, une vulgate anti-éolienne.
Dans la foulée, les recommandations de ce rapport ont été traduites en de nouveaux amendements, qui ont été discutés et votés en Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale le 30 mars 2010, sous la présidence du même Patrick Ollier, et ainsi intégrées au projet de loi Grenelle II, qui viendra à la discussion en séance publique à compter du 4 mai prochain.
Le régime éolien qui en ressort repose sur les principes suivants :
Une interdiction de création de nouvelles ZDE en dehors des schémas régionaux de l’éolien et, après le 31 décembre 2011, un moratoire sur les ZDE en l’absence de publication d’un schéma régional ;
Un seuil minimal de 15 MW et de 5 mâts en Zone de Développement de l’Eolien, appliqué aux unités de production dont la demande est déposée après la publication de la future loi Grenelle II ;
Un classement en régime d’autorisation au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement, pour les éoliennes terrestres de plus de 50 mètres, au plus tard un an après la publication de la future loi Grenelle II ;
Une interdiction d’implantation à moins de 500 mètres des habitations ou de zones destinées aux habitations.
Si ces propositions ne sont pas mises en échec lors de la discussion en séance publique qui s’engage le 4 mai 2010, puis en commission mixte paritaire Sénat-Assemblée, le régime en résultant donnera un coup de frein brutal au développement de l’éolien, clé de voûte des engagements français en terme d’énergies renouvelables.
C’est le troisième changement de régime d’implantation que connaît le développement éolien en l’espace de sept ans. Il cumule exclusion par principe, superposition de zonage et contraintes d’implantation inutiles, en disproportion nette par rapport aux impacts environnementaux et paysagers des parcs.
En premier lieu, imposer pour chaque parc une puissance minimale de 15 MW et 5 éoliennes constitue une rigidité qui ignore la multiplicité des paysages français, une taille modeste étant parfois gage d’une meilleure insertion paysagère. Il faut aussi rappeler qu’en 2005, lors de la création des ZDE, le législateur a rejeté l’idée d’un plancher de puissance général fixé par la loi, qui aboutissait d’une part, à restreindre la liberté d’initiative des collectivités territoriales, d’autre part, à nier les réalités géographiques, démographiques et paysagères.
En deuxième lieu, la superposition de schémas et leur opposabilité aux futures ZDE revient à réduire exagérément les zones d’implantation possibles. Les prétendues zones préférentielles deviennent ainsi de facto, par restrictions successives et combinaison avec les contraintes propres au droit de l’urbanisme, les zones exclusives de développement.
D’une part, une analyse réelle des enjeux et contraintes exclut l’application de critères théoriques et ne peut se déployer que projet par projet, qu’il s’agisse des problématiques de paysage, de biodiversité, d’acoustique ou de servitudes réglementaires.
D’autre part, ce mécanisme de superposition traduit une acceptation par défaut de l’implantation éolienne, et nie toute démarche de développement volontariste de la part des territoires, en violation des objectifs nationaux et européens.
Enfin et toujours sur le sujet des schémas, l’interdiction de création des ZDE hors schémas au-delà du 31 décembre 2011 est une disposition couperet inédite. Il n’est pas acceptable que les capacités de production éoliennes pâtissent des inévitables retards, voire des refus délibérés, de publication des schémas régionaux, pourtant présentés comme l’outil de leur développement.
En dernier lieu, l’application du régime ICPE est disproportionnée et entraîne une stigmatisation gratuite de l’éolien ainsi que des possibilités de recours plus longues et incapacitantes pour les porteurs de projets.
Les dispositifs législatifs et réglementaires existants encadrent déjà fortement l’implantation et l’exploitation des parcs éoliens : implantation au sein des ZDE, mise en conformité des documents d’urbanisme, autorisation de construire après étude d’impact et d’incidence, enquête publique, application pendant l’exploitation de la police du bruit et de la sécurité publique, etc.
A la lumière de ce régime déjà particulièrement contraignant, le classement des éoliennes en régime ICPE n’apporterait pas d’avantages significatifs en termes de protection de l’environnement et de la santé publique.
Deux autres recommandations stigmatisent encore l’éolien inutilement. Une distance d’éloignement
des mâts à 500 mètres des habitations est d’ores et déjà sanctionnée par le juge. Quand aux provisions pour démantèlement, un décret est attendu par la profession depuis la loi du 2 juillet 2003.
En conclusion, un tel régime serait en contradiction avec les engagements de notre pays et avec les objectifs de la directive européenne du 23 avril 2009 que la loi Grenelle II a vocation à transposer, comme avec ceux fixés par la Programmation pluriannuelle des investissements de décembre 2009.
Parmi les énergies renouvelables électriques, l’énergie éolienne est l’une de celles qui détient le plus fort potentiel de développement. C’est ainsi, qu’aux termes des conclusions du Grenelle de l’Environnement, l’éolien doit représenter en 2020 un quart de l’objectif de 20 millions de tonnes équivalent pétrole de production d’énergies renouvelables. Cet objectif ambitieux a été validé par tous, experts, industriels, organisations gouvernementales et non gouvernementales, représentants des collectivités territoriales et des services centraux de l’État.
Surtout, la filière éolienne française représente l’équivalent de 10.000 emplois directs et indirects (Etude ADEME/In Numeri de novembre 2009), en forte croissance depuis quelques années. Avec un marché de 25 000 MW, de nouvelles unités de construction de mâts, de pales et autres composants d’éoliennes pourront s’implanter. En 2020, l’énergie éolienne sera en mesure d’employer 60 000 personnes. Cette dynamique doit être maintenue.
Votre soutien est indispensable pour faire échec au nouveau régime qui se dégage des travaux en commission et éviter qu’il ne soit entériné début mai lors de la séance publique de l’Assemblée Nationale qui examinera le projet de loi portant engagement national pour l’environnement.
Nous espérons que vous partagez cette approche et restons à votre disposition pour tout échange ou renseignement complémentaire.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Député, l’expression de notre considération respectueuse.